mardi 27 mars 2012

Finance : de la loi Pompidou Giscard de 1973 à l' asservissement des nations



Lentement mais sûrement le dogme libéral exigeant l' indépendance des banques centrales s'est diffusé depuis la fin des années 60.
Toute ressemblance avec "une certaine gauche" s'étant développée depuis cette époque est certainement fortuite.


L'industrie financière a pu compter dans les années 90 sur un terreau intellectuel particulièrement favorable.


L'idée de permettre au système financier de s'affranchir des règles de fonctionnement fixées par le pouvoir politique agite les milieux financiers depuis déjà des décennies. 
Par cette loi, il devenait interdit au Trésor français de s'adresser directement à la banque centrale, permettant ainsi à l'industrie de la finance de prendre le contrôle du monde réel.


La City londonienne, conjointement avec les actionnaires de la Bank of New York furent ainsi les véritables inspirateurs de la nouvelle Banque Centrale des États-Unis (ou Fed) en 1913, dont la loi de 1973 s’inspira elle-même. En effet, à partir de 1913, même si la Fed pouvait -à son initiative- acheter directement de la dette à l’émission de l’État fédéral – contrairement à la future Banque centrale européenne – l’État fédéral américain, lui, devait passer par le système privé des banques de marché pour faire cette opération. La Fed ne peut prêter à des taux nuls directement à l’État comme elle le fait actuellement pour les banques privées.


Dans cette organisation des banques centrales indépendantes, les Etats se trouvent de fait contraints de convaincre les banques privées de leurs bonnes politiques budgétaires tandis que les banques ont toute latitude pour fixer leurs taux d’intérêt en fonction de leur appétence pour les dettes souveraines.


Pendant les décennies de forte croissance américaine et ouest-européenne ayant suivi la deuxième guerre mondiale, ce nouveau dogme de l'indépendance des banques centrales construit sur une vision d'un monde politique trop souvent enclin au laxisme budgétaire fit le tour du monde occidental libéral. Le prestige de la Fed et le magistère exercé par le leader américain dans le contexte de la guerre froide y contribuèrent grandement, mais la promotion de ce nouveau système de régulation de la création monétaire fut également l'objet d’un lobbying intensif.


C’est là une évolution qui coïncide avec la mondialisation économique et financière. En effet, parallèlement à la nécessité de passer par le système privé pour financer les États, les grandes institutions financières nord-américaines, via leurs think-tanks, poussèrent à l'émergence d'un marché mondial totalement ouvert et non régulé. Si les années 70 virent l'extension progressive à travers l'Europe de ce système empêchant les Etats de se financer directement auprès de leurs banques centrales, les années 80 furent celles de la déréglementation financière. Aux Etats-Unis, Ronald Reagan imposait ses reaganomics et leur axiome premier de "l'Etat n'est pas une solution à nos problèmes, l'Etat est le problème" ; à Londres, Margaret Thatcher rendait pour sa part possible le basculement de la City d'un univers de gentlemen policés à un univers de traders décomplexés. 27 octobre 1986 : un "big bang" qui libéralisa en un jour le fonctionnement de l'industrie financière londonienne et fit exploser le volume des transactions de la place.


Sur le vieux continent, le projet européen se trouva profondément bouleversé par cette dynamique libérale qui boostait les économies anglo-saxonnes. Progressivement, l'idée de supprimer les frontières au profit d'un grand marché ouvert mondial s'imposa. En mettant en concurrence l'ouvrier occidental avec l'ouvrier chinois et en laissant les capitaux librement circuler, ce système contribua au creusement structurel des déficits commerciaux occidentaux au profit des pays émergents. On peut d'ailleurs noter que l'Allemagne, pourtant championne européenne de l'exportation est elle aussi confrontée au problème avec un déficit commercial vis à vis de la Chine de 19 milliards d'euros (contre 22 milliards pour la France).


La mondialisation, vecteur de pouvoir pour les banques


Ce système n’est toutefois pas perdant pour tout le monde ! Les multinationales ont en effet immédiatement perçu l’opportunité qu’il représentait pour elles. Il est en effet pour le moins intéressant, pour la rentabilité de leur capital (et les bonus de leurs dirigeants…) de pouvoir produire au coût chinois et de vendre aux riches consommateurs occidentaux tout en échappant à l’imposition fiscale grâce aux paradis fiscaux !


Avec la concurrence fiscale et les délocalisations, la dette a donc mécaniquement augmenté. Et de fait, même créateur d'emplois et de richesses en Occident grâce aux effets bénéfiques des échanges internationaux (les pays européens demeurent eux-mêmes de grands exportateurs), ce système aboutit au renforcement de l’emprise de l'industrie financière à mesure qu’il provoque les difficultés économiques et sociales des pays qui l’ont adopté. En effet, qui dit délocalisations et concurrence fiscale dit certes optimisation des coûts de production mais aussi inévitablement manque de recettes donc déficit et dette ; et qui dit dette, dit passage obligé par l'industrie de la finance privée et donc pouvoir accru des grands responsables financiers sur le système libéral occidental. Ainsi put se refermer un piège dont la crise de la dette souveraine européenne souligne le caractère toxique : à mesure que le système mis en place par les milieux financiers démontre sa capacité à se révéler nocif pour la société, il renforce simultanément l’emprise de ces mêmes milieux financiers et leur capacité à imposer leurs orientations aux décideurs politiques, aux véritables entrepreneurs et, in fine, à l’ensemble de la société.


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