samedi 21 avril 2012

la grande illusion des élections présidentielles françaises

Changements révolutionnaires, isolationnisme, divorce avec l’euro : la campagne pour la présidentielle, aura été caractérisée par des concepts "à la mode" mais distants de la réalité. Le symptôme d’une nation qui n’ose pas regarder ses défauts en face.




La France a beaucoup d'atouts géographiques et gastronomiques, mais elle a les délibérations politiques les pires de l' UE. Le premier tour de la campagne présidentielle en aura démontré l'inanité.


Une élection doit en principe exposer les difficultés, proposer des solutions et donner un élan. Celle-ci a tout fait pour éviter d'aborder la situation réelle de la France et pour n'offrir que des catalogues de mesures hors de proportion. Etonnez-vous qu'elle n'a créé aucun souffle.


Une moitié des Français aurait changé leur choix de candidat depuis six mois : on les comprend. D'ailleurs regardez le résultat d'en haut, 30 % pour Sarkozy, 30 % pour Hollande, 30 % pour les candidats hétérodoxes : les statisticiens vous expliqueront que ce résultat, un tiers, un tiers, un tiers, est le vote du hasard. Les Français, laissés dans l'ignorance de ce qu'on leur propose, votent au pif. Ou, pour le dire autrement, à la gueule du client.


Régression intellectuelle
La campagne a été tout simplement décevante, “à côté” des crises inouïes que nous traversons : crise économique gravissime, crise financière existentielle, chômage terrifiant, crise européenne dont on ne voit pas l'issue. Le tout plongé dans le grand basculement des forces vers l'Asie. Animé par des bouleversements technologiques révolutionnaires.


Surplombé par les problèmes globaux du climat, de la nourriture, de l'eau. Avec, au fond des choses, une remise en question radicale et conjointe des deux grandes idéologies que sont le libéralisme (trop inégal) et la social-démocratie (trop coûteuse).


Le minimum devant cette montagne eut été de dire la dureté des temps et d'avouer un peu d'humilité. Mais non, la France est repartie dans les credo de sa belle “exception”.


En 2007, gros espoir : la campagne avait été tournée vers l'avenir. Nicolas Sarkozy proposait la rupture pour encourager la production et gratifier le travail. Ségolène Royal rompait, elle aussi, avec les traditionnels poncifs de son parti et s'avançait dans une “démocratie participative”, idée en concordance avec Internet et le siècle qui vient. En 2012, complète régression intellectuelle : les candidats sont inspirés par des solutions d'un monde non pas postlibéral mais prélibéral.


Le philosophe allemand Peter Sloterdijk explique que la France est le seul pays à ne jamais pratiquer d'examen de conscience. La gauche parce qu'elle se dédouane en brandissant en permanence l'étendard de la Révolution comme celui de la Vérité. La droite avant-hier pour imposer la Restauration et hier à cause de De Gaulle qui a effacé 1940 et la collaboration. Le passé est mythifié et quand, devant l'épreuve, on l'appelle au secours, il est glorieux mais, hélas, d'aucune utilité pratique. Sauf, comme dit Mélenchon pour “faire rêver”.


Utopie
Mais, justement ! assez des mythes ! L'extrême gauche, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen vantent le protectionnisme, la sortie de l'euro et l'inflation. Ils devraient nous dire dans quel pays leurs idées ont réussi. Leurs électeurs n'ont-ils des yeux pour voir la déconfiture totale d'un Hugo Chavez au Venezuela, pourtant riche de pétrole, et les succès du réformiste Lula da Silva au Brésil ? Ou les impasses de la stratégie populiste du défaut de paiement et de l'inflation en Argentine ?


Le défaut est général. La politique en France est dramatiquement en retard d'une forme de pensée. L'idéologie et le clientélisme dominent encore. Faute d'examen historique. Faute aussi d'écouter les nouvelles sciences sociales et les progrès dans l'analyse pragmatique.


Contre la pauvreté, dans l'intégration, dans la lutte contre l'échec scolaire, dans la réussite industrielle même, des chercheurs français font, comme leurs collègues étrangers, appel à des méthodes neuves inspirées de la pharmacie : une réforme est appliquée sur une partie de la population, pas l'autre et l'on observe scientifiquement les différences de résultat. On en tire la conclusion que telle réforme est utile ou qu'elle ne sert à rien.


Ces recherches s'inspirent d'un nouvel état d'esprit d'humilité devant les faits qui manque encore aux politiques français. Ils proposent encore, comme François Hollande ou Nicolas Sarkozy dans son projet pour l'école, des mesures concoctées sur un coin de table, testées nulle part. Les think tanks ne sont pas, presque pas, écoutés et, dans les états-majors les politiques priment encore.


Tout ça pour dire que cette campagne, loin d'expliquer la complexité du monde, l'incontournable austérité à venir, l'impératif de produire, l'Europe à refaire, la modestie des solutions sociales mais, aussi, la conviction que l'avenir ouvre grand les portes, a replongé