lundi 13 août 2012

Interview de l'ex-responsable de la centrale de Fukushima : les ouvriers sont des bouddhas



Le mot précis utilisé par M. Yoshida pour ''personnage divin'' est Bodhisattva – quelqu'un qui fait vœu de sauver tous les êtres avant de devenir un bouddha.
C'est probablement la première fois que quelqu'un de chez TEPCO exprime des mots de louange et d'appréciation envers les ouvriers de la centrale d'une manière aussi personnelle que M. Yoshida. Selon les journaux locaux de Fukushima, les phrases de Yoshida ont été très appréciés des familles dont les membres ont travaillé ou travaillent toujours à la centrale.


Dites-nous à quoi ça ressemblait à la centrale de Fukushima.

Le séisme et le tsunami de l'année dernière et l'accident de notre centrale nucléaire ont causé d'innombrables épreuves aux habitants de la préfecture de Fukushima. J'aimerai saisir cette occasion pour m'excuser du fond du cœur. La situation va probablement durer pendant un certain temps, mais nous faisons de notre mieux pour restaurer la centrale. Comprenez-le s'il vous plaît.

Je voulais venir en personne à ce symposium, mais j'ai été hospitalisé depuis la fin de l'année dernière (cancer de l'oesophage, NdT) et mes forces ne sont pas encore revenues. Je vous prie donc de m'excuser de vous parler par le biais d'une vidéo comme celle-ci. Tant que les commissions d'enquête sur l'accident ont fait leur travail, je ne pensais pas que j'aurai à parler aux médias sur la réelle situation de la centrale. Je pensais que ce serait une violation des règles d'expression avant la conclusion de la commission d'enquête. J'accueille donc avec plaisir la sympathique opportunité qui me permet de parler.

Certains disent que vous [ou TEPCO] envisagiez d'abandonner la centrale. Est-ce vrai ?

Je pourrai parler fort longtemps à ce sujet, mais au fond tout ce à quoi je pensais à ce moment-là était comment stabiliser la centrale. Dans une telle situation, quitter la scène de l'accident n'était pas envisageable. Pourtant la vie est extrêmement précieuse et les gens qui n'avaient rien à voir, ceux qui n'étaient pas directement impliqués dans l'accident devaient être évacués. Ceux qui étaient engagés dans le refroidissement des réacteurs, je ne pensais pas qu'ils pouvaient évacuer. Je n'ai jamais parlé d'abandonner au siège de TEPCO, et cela ne m'est jamais venu à l'esprit. Je suis sûr à 100 % de n'avoir jamais dit un mot concernant un abandon et c'est ce que j'ai donc dit à la commission d'enquête. J'ai été consterné plus tard en y repensant, mais le remue-ménage au sujet d'un ''abandon'' s'est passé entre le siège de TEPCO et le bureau du premier ministre, mais nous à la centrale n'en avons jamais parlé. Je suis tout à fait sûr de cela.

Étiez-vous prêt à mourir ?

Je ne sais pas si j'étais prêt, mais finalement si nous devions partir et arrêter l'injection d'eau, il y aurait eu bien plus de fuites de radiations. Donc les réacteurs 5 et 6, qui étaient à peu près stables seraient entrés en fusion, je veux dire le combustible aurait fondu une fois tout le monde parti. Si la centrale avait été livrée à elle-même il y aurait eu d'autres fuites radioactives. Nous avons fait ce qu'il fallait pour stabiliser Fukushima II (Daini), mais nous n'aurions pu y être [si Fukushima I avait été abandonnée et si d'autres fuites radioactives étaient intervenues]. Cela aurait été une catastrophe. En y repensant, il n'y avait aucun moyen possible de fuir.

Dans cette situation, avec la phénoménale dose de radioactivité, mes collègues sont allés sur la scène de l'accident un certain nombre de fois. Ce sont eux qui ont fait tout ce qu'ils pouvaient et tout ce que j'ai fait a été de les regarder faire. Je n'ai rien fait. J'apprécie vraiment et remercie tous mes collègues personnellement qui sont allés sur les lieux de l'accident. Mon boulot était de rester dans le bâtiment anti-sismique et je n'ai pu aller sur les lieux de l'accident. J'ai donné des ordres, et en entendant les ouvriers ensuite, j'ai compris que c'était une situation terriblement sérieuse. Mais [les gens qui étaient sous mes ordres] y sont allés sans hésitation. Il y en a beaucoup qui ont littéralement sauté sur les lieux de l'accident pour essayer de le contenir.

Dans un texte bouddhique que je lis depuis longtemps, il y a mention de personnages divins qui sortent du sol. C'est ce que j'ai ressenti dans l'enfer de la situation à la centrale. Les ouvriers allaient sur les lieux de l'accident puis remontaient ici (dans le bâtiment anti-sismique), ils étaient morts de fatigue, ne dormaient pas, ne mangeaient pas assez, atteignant la limite de leurs forces physiques. Puis ils repartaient et revenaient et repartaient à nouveau. Il y a eu de nombreux ouvriers à faire cela. Quand j'ai vu ces ouvriers, j'ai su que je devais faire tout ce que je pouvais pour eux. Je pense que nous avons pu ramener la centrale à son état actuel grâce à ces ouvriers.

http://bistrobarblog.blogspot.fr/2012/08/japon-13-aout-2012.html

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