dimanche 17 février 2013

Histoires Paranormales du Titanic : Un naufrage aux frontières du réel



Histoires paranormales du Titanic: Amazon.fr: Bertrand Méheust: Livres


Dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, une femme rêve que son mari lui tend un faire-part de décès. Pâle, il lui apparaît dans une coursive bizarrement inclinée. Elle ignore encore qu’au même moment son époux a fui le domicile conjugal avec ses enfants et se trouve à bord du Titanic en train de sombrer. Ses enfants seront sauvés. Pas lui.

Huit jours plus tôt, le 4 avril 1912, Mrs. A assiste à une conférence à Londres. Elle semble distraite au point que le conférencier lui demande la raison de son désintérêt. « J’ai eu la vision d’une série de catastrophes. » Elle a vu notamment, explique-t-elle devant plusieurs témoins, « un paquebot à quatre cheminées entrant en collision avec une montagne de glace. » La ville de Southampton lui est venue à l’esprit. Le nom de ce navire ? Quelque chose comme… le « Titanc » (sic).

En 1898, Morgan Robertson, écrivain américain, alcoolique et dépressif, publie « Futility ». Il y relate le naufrage d’un paquebot gigantesque, réputé insubmersible grâce à ses caissons étanches. Lancé à 25 nœuds dans le brouillard, le géant orgueilleux heurte un iceberg au large de Terre-Neuve et sombre dans les profondeurs de l’Atlantique. L’ampleur de la tragédie est démultipliée par le faible nombre de canots de sauvetage. Morgan Robertson a baptisé son navire de fiction… le Titan.

William T. Stead, inventeur du journalisme moderne, pacifiste passionné et personnalité incontournable du mouvement spirite, écrit en 1886 « How the Mail Steamer went down in Mid Atlantic » : un transatlantique coule après avoir heurté un autre navire. La pénurie de canots de sauvetage entraîne une telle panique que le capitaine tire sur les passagers les plus agressifs. William T. Stead, conclut sa nouvelle par ces mots : « C’est exactement ce qui pourrait se produire, et ce qui se produira effectivement, si les transatlantiques sont envoyés en mer sans canots de sauvetage. » Six ans plus tard, en 1892, Stead publie « From the old world to the New ». Dans ce texte « à tiroirs », l’écrivain relate l’aventure du Majestic, un paquebot de la White Star, qui évite de justesse un iceberg… grâce à une série de précognitions ! Mais, William, à qui plusieurs voyants ont prédit une fin tragique en mer, n’échappera pas à son destin : il est mort le 14 avril 1912 dans le naufrage du Titanic.

Des récits semblables, Bertrand Méheust en a rassemblés et étudiés 66 dans son livre « Histoires paranormales du Titanic ». Sans jamais céder aux tentations du sensationnel, il s’efforce de démêler le mythe de la réalité dans ces témoignages à peine croyables. Mais, une fois ce travail de fourmi accompli, ce qui demeure est suffisamment troublant pour ouvrir des perspectives fantastiques.

Comment expliquez vous cette fascination toujours d’actualité pour le Titanic ?
Bertrand Meheust. C’est un condensé des relations sociales de l’époque, une métaphore des luttes sociales, une parabole écologique, un symbole de l’orgueil technologique menant à la catastrophe. Ces aspects étaient déjà présents à l’époque. Quand le navire a sombré, des ecclésiastiques ont prononcé des prêches enflammés, expliquant que le naufrage était un châtiment divin. Le nom même de Titanic, inspiré par la mythologie grecque, était considéré comme une insulte à la chrétienté. J’ai ajouté un chapitre à cette exégèse avec l’idée que ce type d’évènement favorise l’émergence de facultés paranormales.

Existe-t-il dans l’histoire d’autres types d’évènements ayant suscité un tel nombre de récits « paranormaux » ?
C’est quelque chose de très difficile à mettre au jour. Pour ce livre, je me suis basé sur le travail de chercheurs, anglo-saxons pour la plupart, qui ont mené des longues enquêtes sur chaque cas. Depuis près d’un siècle, ces parapsychologues avaient accumulé une très importante quantité de données.

"WILLIAM STEAD ÉTAIT OBNUBILÉ
PAR L’IDÉE DE LA MORT EN MER"

Sur les très nombreux récits de clairvoyance et de précognition que vous présentez, notés de une à trois étoiles selon leur « solidité », vous n’en sélectionnez que huit qui paraissent difficiles à réduire à une somme de coïncidences…
Il est très rare de trouver des exemples de précognition incontestables mais il semble qu’il en existe. En premier lieu, il faut que la datation avant les faits ne puisse pas être réfutée. Dans le cas du Titanic, après une sélection sur des critères rigoureux, il n’en reste que très peu dont l’histoire de William Stead, obnubilé par l’idée de la mort en mer, un thème récurent dans ses écrits.

Stead est un personnage extraordinaire, inventeur du journalisme moderne, de l’interview, de l’enquête journalistique, dénonciateur des injustices de l’époque victorienne, pacifiste convaincu…
Il était à la tête du mouvement contre la guerre. C’était un peu le Jaurès anglais. Et, comme Jean Jaurès, il était passionné par la parapsychologie… On retrouve là un profil typique de l’époque : des gens très marqués à gauche, soutenant les idées féministes et pacifistes et en même temps passionnés par le spiritualisme, la télépathie, la voyance etc. C’est un aspect du socialisme originel que la plupart des socialistes d’aujourd’hui ignorent. Quant à Morgan Robertson, il a aussi écrit en 1914 une autre nouvelle intitulée « Beyond the Spectrum » où il anticipe l’attaque surprise des Japonais sur Pearl Harbour. Selon moi, ce sont les deux personnages les plus intéressants du livre. Je rêve d’ailleurs d’écrire une biographie de William Stead…

Robertson et Stead ont une dimension prophétique… A-t-elle été amplifiée par la suite ou vous semble-t-elle authentique ?
Prenons un exemple que tout le monde connaît : l'Evangile. Soit vous admettez avec l’exégèse moderne que saint Jean, à la fin du premier siècle, a introduit après coup ces éléments dans le texte. Ou alors vous considérez qu’il est un témoin honnête qui décrit les évènements qui se sont déroulés sous ces yeux. Dans ce deuxième cas de figure, la prédiction du Christ annonçant sa résurrection devient un fait historique. On se heurte au même type de problème dans l’analyse des prédictions de William Stead. Je ne pourrai jamais démontrer qu’il ne s’agit pas d’une coïncidence interprétée a posteriori mais la somme de données rassemblées est très troublante.

"TOUT CONCOURT DANS CETTE HISTOIRE À
LUI CONFÉRER UNE DIMENSION MYTHIQUE"

On en arrive à un dilemme : admettre la réalité de la précognition ou envisager que, dans certains cas, les règles de la probabilité s’effondrent puisque l’on se retrouve avec des « coïncidences » déjà extraordinaires en soi mais qui, enchaînées, défient les lois des grands nombres ? 
Il y a une troisième hypothèse : prendre en compte la fonction auto-réalisatrice de la prédiction. Dans ce cas, les forces en jeu seraient démesurées : on parle de précipiter le plus grand paquebot du monde contre un iceberg dans l’intention inconsciente de faire advenir une prophétie… Cela signifierait que le capitaine Smith était au courant des prédictions et a inconsciemment causé la catastrophe. Mais aucun élément ne permet d’envisager une telle chose.

Le fait que la catastrophe du Titanic et son cortège de phénomènes paranormaux se déroule en pleine mer, sachant que l’eau est un élément fondamental du mysticisme est-il significatif ?
Bien sûr. L’unité de temps, l’unité de lieu avec tous ces gens enfermés dans un paquebot qui vogue vers sa destinée, la mer, le choc contre la réalité cosmique symbolisée par l’iceberg face à laquelle l’homme est impuissant… Tout concourt dans cette histoire à lui conférer une dimension mythique.

Il semble que le seul événement comparable, en tant que support projectif pour la psyché collective, soit le 11-Septembre… 
La différence est qu’il était beaucoup plus facile d’isoler les phénomènes de clairvoyance et de précognition à l’époque du Titanic : c’était en pleine mer, il n’y avait pas de téléphones portables, pas d’Internet, pas de « pollution » technologique susceptible de venir parasiter les récits. Il serait aujourd’hui très difficile d’évaluer le témoignage de cette dame qui voit en rêve son mari lui apporter un faire part de décès. A notre époque, on dirait qu’elle a peut-être reçu un coup de fil, un mail ou un texto.

En même temps, le Titanic, première catastrophe technologique, ne précède que de deux ans la 1ère guerre mondiale, première guerre moderne…
Je suis très sensible à cet aspect de l’événement. En temps de guerre, le naufrage aurait été « noyé » dans l’océan d’horreur. Le naufrage du Titanic survient en pleine période de paix et a un retentissement par contraste. Alors que l’on ne sait pas encore que l’on se dirige vers la grande boucherie de la première guerre mondiale. C’est comme une sorte de fumerolle qui annonce l’éruption du volcan.

Le Titanic n’a donc pas de précédent ?
Non. Par la suite, il y aura d’autres catastrophes maritimes plus meurtrières. Pendant la deuxième guerre mondiale, le paquebot allemand Wilhelm Gustloff a été torpillé en mer Baltique par un sous-marin soviétique et a coulé avec plus de 10 000 passagers. Le nombre de victimes est estimé entre 5 400 et 9 300. Il s'agit sans doute de la plus grande catastrophe maritime de tous les temps. Mais elle s’est déroulée en temps de guerre dans une période déjà saturée de violences et de morts.

On a l’impression que la métaphore du Titanic reste extrêmement opérante…
C’est exact. J’ai même regretté, après avoir achevé « La nostalgie de l’Occupation », de ne pas y avoir fait référence. J’ai vu que l’on a organisé une croisière souvenir où les participants étaient habillés en costumes d’époque à bord d’un paquebot qui a suivi la même route. Cela souligne la dimension de pèlerinage qu'inspire le naufrage du Titanic.

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