jeudi 11 juillet 2013

Pour François Hollande La Sortie De Delphine Batho est "Un Coup De poignard dans Le Dos"


Le réquisitoire de Delphine Batho passe mal dans les rangs socialistes 

source : Mediapart

Sur le fond, Delphine Batho a également décidé de dire en “on” ce que bien des socialistes n’osent dire qu’en “off” depuis quelques mois. Elle a choisi de ne pas y mettre les formes, en regrettant un « tournant de la rigueur qui ne dit pas son nom, et qui prépare la marche au pouvoir de l’extrême droite ». Appelée par la suite à préciser sa pensée, elle nuance toutefois : « La politique d’austérité en Europe contribue à faire le lit de l’extrême droite. » Faut-il alors un changement de politique ? « Cela dépend du président. » Jean-Marc Ayrault est- il un bon premier ministre, interroge un journaliste ? « J’ai déjà répondu à cette question, balaie-t-elle. C’est au président de changer de politique. Nous n’avons pas gagné seulement par rejet du sarkozysme. Les Français ont besoin de perspective d’avenir et d’espoir. »

 Enfin, Batho a aussi décidé de mettre les pieds dans le plat, mettant en cause « des forces (qui) ne se sont pas cachées de vouloir ma tête. Ce n’est pas une faute qu’on sanctionne mais une résistance qu’on voulait soumettre ». Et l’ancienne ministre de l’écologie de s’interroger publiquement : « Est- il normal que le patron de l'entreprise Vallourec (entreprise spécialisée dans le tube en acier sans soudure, ndlr), directement intéressé par l'exploitation des gaz de schiste, ait pu annoncer ma marginalisation des semaines à l'avance devant des responsables de son entreprise aux États-Unis ? De quelles informations dispose-t-il pour être si sûr de lui ? » 

L'ancienne ministre fait ainsi référence à un écho, paru dans l'hebdomadaire Challenges, selon lequel Philippe Crouzet aurait qualifié la politique énergétique de Delphine Batho de « vrai désastre », et surtout laissé entendre « que son influence au sein du gouvernement allait décroître ». Une accusation lourde, mais implicite, transparaît dans cette observation, puisque Philippe Crouzet, président de Vallourec, est aussi le mari de Sylvie Hubac, la directrice de cabinet de François Hollande. 

A Tunis, l'embarras de l'Elysée 


Chez les socialistes et dans l’exécutif, les première réactions sont amères. Comme celle du président du groupe PS au Sénat, François Rebsamen, qui évoque des « propos inacceptables », qu’il « préfère mettre sur le compte de la fatigue, du surmenage et de la déception, plutôt que de penser que Delphine Batho, guidée par une volonté de règlement de comptes, veuille aujourd’hui poursuivre un combat personnel déplacé en jouant contre son camp ». 

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En déplacement à Tunis, François Hollande a pris soin d'éviter tout contact avec la délégation de journalistes français, réservant à son entourage l'organisation de la riposte. Dans une ambiance forcément plombée, la délégation élyséenne a eu des mots très durs à l'endroit de l'ex-ministre de l'écologie. 

La conférence de presse ? « Un coup de poignard dans le dos. » La charge politique ? « On a tous globalement été assez choqués. Aujourd'hui, cela donne envie de lui en vouloir. Elle cherche à justifier son limogeage par une histoire noble. Elle a commis une erreur, il faut être comptable de ses erreurs », dit un proche du président. Sa critique de Jean- Marc Ayrault ? « Les propos sont très durs et ne sont pas justifiés. En une heure de conférence de presse, elle se dédit d'un an de ministère. » 

Même les députés socialistes qui expriment de plus en plus ouvertement leur malaise avec la ligne présidentielle en prennent pour leur grade. « Ils ont des problèmes de riches. Au moment où on est dans une crise morale et de confiance, les volontés d'exister devaient être mises en sourdine », dit un membre de la délégation. Avant d'ajouter : « L'effet de cette affaire, c'est que chacun va se tenir à carreau. » 

L’Élysée veut vendre l’histoire d’une ministre qui voulait en finir, sous- entendant qu’elle était « personnellement à bout », et qui n’a jamais cherché à peser sur la ligne du gouvernement en interne. À la différence de Hamon, Duflot ou Montebourg. « Delphine a refusé d’aller chercher l’arbitrage de Matignon sur son budget. Elle a voulu aller au bras de fer et elle pensait gagner sur un arbitrage politique. Mais elle a perdu », dit un ministre sans animosité. Et perdu parce qu’elle « ne représente qu’elle- même ». 

D’où la tentation de croire que l’épisode ne changera rien. « C’est une coquille vide. Au bout de deux ou trois jours, on n’en parlera plus », lâche Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Cette dernière avait pourtant été exfiltrée du ministère de l’écologie, un mois après son arrivée, suite à l’affaire des permis de forage, et elle a failli payer très cher sa critique à contretemps de José Manuel Barroso, la semaine dernière, en plein conseil européen. 

Mais le point sur lequel l’exécutif est le plus embarrassé est l’accusation, reprise par l’UMP, d’être vendu aux lobbys. Les collaborateurs de Hollande délivrent tous le même message : l’accusation visant Hubac, du voyage à Tunis, est hors de propos. « Batho fait preuve de sexisme en reprochant à Hubac d’être la femme de », dit un proche du président. Même Pascal Canfin, ministre délégué au développement, vole à son secours : « Être la femme de, ce n’est pas très convaincant. La femme de Michel Sapin travaille aux Échos, cela en fait-il un journal de gauche ? » Et, ajoute-t-il : « On ne découvre pas qu’il y ait des lobbys au cœur de l’État. Qu’il y ait des pro-gaz de schiste au gouvernement, à Matignon et même à l’Élysée n’est un mystère pour personne. » 

 A contrario de ses collègues, l’écologiste craignait que Batho soit plus incisive encore dans ses propos et qu’elle « cite des exemples précis ». 

Dans le reste de la gauche, en revanche, la sortie de Batho a été appréciée. La ministre Cécile Duflot, dans un entretien au Monde, évoque « l’hypothèse » d’un « signal négatif de plus pour l'écologie » qui « nous interroge obligatoirement ». « Jusqu'alors, la question de notre présence au gouvernement ne se posait pas, mais je suis obligée de reconnaître que je me la suis posée hier (mardi). Où suis-je le plus utile ? Je suis résolue à n'être ni une observatrice désolée de la situation ni une spectatrice du renoncement. » 

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