mardi 8 mars 2016

Pas de réels progrès depuis vingt ans pour les femmes dans le monde du travail...

Pas de réels progrès depuis vingt ans pour les femmes dans le monde du travail...

Au niveau mondial, les chances pour les femmes d'entrer sur le marché du travail sont inférieures de 27 % à
celle des hommes. Loin de se résorber, l'écart s'est même creusé en Asie du Sud et en Asie de l'Est.
Andy Wong/AP

La situation des femmes dans l'emploi, au niveau mondial, ne s'améliore quasiment pas. Dit en termes diplomatiques par l'Organisation internationale du travail (OIT) qui a publié, lundi 7 mars, un rapport sur les tendances 2016 « Femmes au travail », à la veille de la Journée internationale des droits des femmes, des progrès ont été accomplis « à la marge », depuis vingt ans, et la quatrième conférence onusienne sur les femmes, à Pékin.

Entre 1995 et 2015, « le taux mondial de participation des femmes à la population active est passé de 52,4 % à 49,6 % », constate l'OIT. En 2015, 1,3 milliard de femmes étaient présentes dans le monde du travail contre 2 milliards d'hommes, soit respectivement 46 % des femmes en âge de travailler (plus de 15 ans) et 72 % des hommes.

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Si, en matière d'accès à la santé et à l'éducation la situation des femmes s'est améliorée, s'agissant de l'économie et du social « de grandes lacunes restent à combler dans la mise en œuvre du Programme de développement durable pour 2030 adopté par les Nations Unies en 2015 ».

Leur présence de plus en plus importante à l'école – la parité entre garçons et filles a été atteinte dans les secteurs de l'éducation primaire et secondaire dans 123 pays – « ne se traduit par aucun progrès dans le monde du travail, résume Laura Addati, co-auteure du rapport. Un véritable gâchis du talent et des compétences des femmes ».

Inégalité généralisée

Premières victimes du sous-emploi, de la précarité, surreprésentées dans l'économie informelle, moins bien payées, moins protégées socialement, les femmes restent confrontées à une situation d'inégalité générale, et ce, sur tous les continents. « Les progrès accomplis pour surmonter les obstacles sont lents et se limitent à quelques régions du monde », écrivent les auteurs du rapport.

Et quand la situation des femmes semble s'être améliorée, cela s'explique généralement par une dégradation de celle des hommes. Exemple : la réduction des écarts d'emploi en Europe (sauf à l'Est), s'explique par la baisse du taux d'emploi des hommes.

« En Europe du Nord, du Sud et de l'Ouest, et en Amérique du Nord, les écarts de chômage entre hommes et femmes se sont résorbés avec la crise financière, en grande partie sous l'effet du ralentissement économique touchant les secteurs à prédominance masculine et de l'augmentation des taux d'emploi des femmes mariées qui, dans certaines circonstances, se mettent à travailler pour compenser les pertes de revenu familial liées au chômage masculin », explique l'OIT, qui regroupe les représentants des gouvernements, des employeurs et des syndicats de 187 États membres.

Au niveau mondial, les chances pour les femmes d'entrer sur le marché du travail sont inférieures de 27 % à celle des hommes. Loin de se résorber, l'écart s'est même creusé en Asie du Sud et en Asie de l'Est.

Elles sont surreprésentées « parmi les travailleurs qui contribuent à l'entreprise familiale », c'est-à-dire travaillant pour leur conjoint ou leur famille, notamment dans les entreprises agricoles, dans l'artisanat, le commerce. Dans certaines régions du monde, comme l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud, elles sont un tiers à travailler dans ce secteur de l'économie informelle, et plus de 40 % à travailler pour leur propre compte. Au niveau mondial, ces taux sont respectivement de 17 % et de 30 %. À noter que la part des hommes travaillant pour « l'entreprise familiale » est près de trois plus faible, 6,4 %.

Le résultat de cette précarité dans l'emploi se traduit notamment par des rémunérations plus faibles. L'écart salarial entre hommes et femmes est estimé, par l'OIT, à 23 % au niveau mondial.

Quelques progrès ont été enregistrés, limités précise l'OIT, mais « si les tendances actuelles se poursuivent, il faudra plus de 70 ans avant que cet écart disparaisse totalement ». Pour Laura Addati, « il n'y a pas de politique courageuse et, sans volontarisme, les écarts salariaux ne diminueront pas par le seul développement économique ».

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« Sous-évaluation du travail accompli »

Les écarts salariaux ne s'expliquent pas seulement par les différences d'éducation ou d'âge. « Ils sont aussi liés à la sous-évaluation du travail accompli par les femmes et des compétences requises dans les professions et les secteurs dominés par les femmes », notent les auteurs du rapport. Elles sont 61,5 % à occuper des postes dans le secteur des services, là où les hommes sont moins de 43 %.

Autre conséquence de cette place inférieure des femmes dans le monde du travail, elles sont moins bien protégées socialement que les hommes. Même dans le cas où elles occupent un emploi salarié, « à l'échelle mondiale, près de 40 % des femmes ne cotisent pas à la protection sociale ». Par exemple, 200 millions de femmes ayant atteint l'âge de la retraite ne disposent d'aucune pension, un chiffre nettement plus bas chez les hommes, 115 millions.

Enfin, pour compléter ce tableau noir de la situation des femmes, plus vulnérables encore sur les continents asiatiques et africains, l'inégalité persiste quant au rapport entre travail salarié et travail réellement effectué, y compris dans la sphère familiale.

Dans les pays en développement, quand une femme travaille en moyenne 9 h 20 dans sa journée, elle n'est rémunérée que 5 h 10, 4 h 10 n'étant pas payées. L'homme, lui, sur 8 h 07, est rémunéré 6 h 40. Dans les économies développées, si la part de travail non rémunéré est moindre, la différence entre homme et femme persiste : pour le premier, sur 7 h 40 de travail, seules près de deux heures ne sont pas rémunérées, quand la femme, elle, n'est pas payée durant 3 h 30 sur un temps de travail quotidien estimé à 8 h 10.
 

Rémi Barroux
Journaliste au Monde

Source : LeMonde.fr

Information complémentaire :

Crashdebug.fr : Le big bang du temps de travail (Mediapart)



 

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