mardi 5 avril 2016

Cash Investigation : le plaidoyer de France 2 pour les frontières

Cash Investigation : le plaidoyer de France 2 pour les frontières

Mardi soir, la très recommandable émission d'Elise Lucet, Cash Investigation, était consacrée aux salariées à prix cassé. Même si on pouvait noter quelques lacunes (la concentration sur les fraudeurs, oubliant trop souvent la concurrence déloyale des travailleurs détachés légaux), il est heureux qu'une émission de grande écoute sensibilise l'opinion aux dérives de notre monde sans frontières. Et ce faisant, l'émission était aussi un véritable plaidoyer pour les frontières.



Le laisser-passer, plus dangereux que les fraudeurs

L'émission s'est largement concentrée sur les entreprises qui fraudent, souvent des sous-traitants, qui paient leurs salariés sous le SMIC, ou pour des durées de travail sans rapport avec le droit du travail Français, qui ne versent pas les cotisations sociales qu'elles disent payer, privant leurs employés de droits à la retraite, ou qui leur font payer des sommes exorbitantes pour les héberger dans des conditions inhumaines. Et il est bien évident que tous ces fraudeurs doivent être poursuivis et condamnés. Mais ce que l'émission montrait de facto, c'est que la meilleure protection de ces fraudeurs, c'est justement  l'absence de frontières, qui leur permettent de créer une entreprise de travail temporaire en Irlande, en recrutant des Roumains avec un contrat Chypriote pour le compte d'une entreprise Française.

Et quand les manoeuvres frauduleuses sont découvertes, il leur suffit de transférer leur activité dans une nouvelle entité, basée dans les Iles Vierges Britanniques. Bref, en permettant des montages extrêmement complexes, sur plusieurs pays, on laisse surtout passer et faire les escrocs qui profitent et exploitent la misère humaine. Mais n'est-ce pas la logique de cette société ultralibérale sensée être équiilbrée par la somme des égoïsmes, comme le défendait Raphaël Enthoven sur Europe 1 ? Mais, ce faisant, l'émission est un peu passé à côté du caractère profondément déloyal du recours légal aux travailleurs détachés, qui ne paient que les cotisations sociales de leur pays d'origine, et pas les cotisations sociales Françaises, plus élevées, même en respectant le droit du travail Français.

Car avec des salaires sont beaucoup plus bas en Roumanie, il y a également un dumping salarial pour les emplois habituellement payés sensiblement au-delà du SMIC pour les nationaux en France (on peut penser aux routiers ou aux bouchers), et où un SMIC est largement suffisant dans les yeux d'un Roumain. Bref, le statut même de travailleur détaché, produit du dogmatisme ultralibéral bruxellois qui ne voudrait aucune frontière, est inacceptable. Bien sûr, les fraudeurs doivent être condamnés, mais ce n'est pas nouveau et ce ne sera pas suffisant car les travailleurs détachés légaux représentent sans doute une menace encore plus importante pour notre modèle social. Ils représentent une légalisation de la course au moins-disant social et salarial dans un ensemble comme l'UE, où les salaires varient de 1 à 10. Ceci montre encore une fois que ce cadre légal affaiblit les citoyens par rapport aux entreprises.

Merci donc à Elise Lucet et son équipe pour cette émission qui a le mérite d'alerter les citoyens sur ce que nos dirigeants "socialistes" ou "républicains" ont permis de faire. Mais si la lutte contre les fraudeurs est nécessaire, elle ne sera pas suffisante. Il faut casser cette logique de course au moins-disant, produit du laisser-passer et du laisser-faire. Et les frontières sont sans doute un des meilleurs moyens pour en venir à bout. De telles histoires auraient-elles été possibles si l'entreprise avait été Française, signant des contrats de droit Français, et avec des salariés Français ? 

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