mardi 5 avril 2016

L’intéressant débat sur la monnaie hélicoptère

L'intéressant débat sur la monnaie hélicoptère

C'est un débat plus que légitime après huit ans de politiques peu conventionnelles des banques centrales, aux résultats médiocres. Aujourd'hui se posent des questions sur les politiques alternatives qui existent et qui n'ont pas été utilisées, notamment la « monnaie hélicoptère », la distribution directe d'argent créé par la banque centrale aux citoyens pour gonfler plus efficacement la demande.



L'assouplissement quantitatif, pour le peuple

Depuis 2008, les banques centrales ont considérablement diversifié leurs politiques. Elles expérimentent depuis quelques mois des taux négatifs, pour pousser les établissements financiers à prêter leurs liquidités, puisque les conserver à la banque centrale coûte de l'argent. Elles ont également considérablement étendu leur bilan, passé d'environ 10% du PIB à 25% aujourd'hui dans la zone euro, à Washington et Londres. Plus fort, le bilan de la banque du Japon atteint 77% du PIB avec la monétisation de sa dette publique. Mais, de plus en plus, des critiques se développent pour plusieurs raison : les résultats médiocres de ces politiques, l'économie n'ayant toujours pas vraiment redémarré. Pire, elles pourraient nourrir d'autres bulles. Enfin, on peut questionner le choix des bénéficiaires de ces politiques.



C'est pourquoi revient dans le débat public une idée défendue par Milton Friedman dans les années 1930, la distribution pure et simple d'argent aux citoyens par la banque centrale pour créer un pouvoir d'achat en supplément, avec pour objectif de soutenir la demande et lutter contre les tendances déflationnistes. L'idée derrière cette idée iconoclaste, est d'être une alternative avec la relance par les dépenses publiques, que Milton Friedman n'appréciait guère, préférant que chaque individu puisse utiliser l'argent ainsi disponible de la manière dont il le souhaite. On peut donc paradoxalement trouver une racine libérale derrière cette idée, évoquée au début des années 1990 pour sortir les pays européens de la crise. Mais l'hélicoptère pourrait aussi se coupler à une relance classique des dépenses publiques.



Après tout, plutôt que de racheter pour près de 1000 milliards d'euros d'actifs, la BCE pourrait en consacrer la moitié pour distribuer la bagatelle de 1500 euros à chacun des citoyens de la zone euro, ce qui relancerait la consommation, la demande, et la croissance. Malgré tout, comme l'écrit Romaric Godin dans la Tribune, cette idée serait extraordinairement compliquée à mener dans la Tour de Babel institutionnelle qu'est l'UE, ce qui plaide, une fois de plus, pour le démontage de ce monstre monétaire qu'est l'euro. The Economist a consacré un dossier sur le bilan des politiques monétaires menées et aux alternatives possibles pour lutter contre la prochaine récession (ce qui en dit long sur son jugement sur la pertinence des politiques menées depuis plusieurs années, même si elles vont dans son sens).


Mais le plus frappant ici, qui n'est pas suffisamment mis en avant, et qui rejoint les critiques de Krugman, qui reprochait aux dirigeants d'aider les banques et non les citoyens lors de la crise des subprimes, c'est bien cela : quels doivent être les bénéficiaires de toutes ces aides ? Pour l'instant, la Fed et la BCE choisissent les banques et le système financier, quand le Japon choisit l'Etat et donc indirectement les citoyens avec la monétisation des dettes. Et si on aidait directement les citoyens ?

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