vendredi 1 juillet 2016

Après le Brexit, en finir avec le référendum ? Par Matthieu Croissandeau

Après le Brexit, en finir avec le référendum ? Par Matthieu Croissandeau

Fantastique…

C’est vraiment pour vous, les plus jeunes, afin que vous perceviez dans quel monde on vit vraiment – et qu’on a oublié de vous décrire…

Source : Le Nouvel Obs, Matthieu Croissandeau, 29-06-2016

referendum-obs

L'exemple du vote sur le Brexit nous a offert en quelques mois un condensé de perversion démocratique, une extravagante illustration de ce qu'il ne faut pas faire.

C'est l'autre leçon du Brexit. Elle ne porte pas sur la nature du projet européen que rappelle cette semaine Jean Daniel dans son éditorial, mais sur la procédure choisie par le Royaume-Uni pour permettre à son peuple souverain de s'exprimer : le référendum.

Entendons-nous, il ne s'agit pas, bien évidemment, de dénier aux électeurs le droit de se prononcer sur les grands enjeux qui les concernent dès lors que le résultat de leur vote risquerait de décevoir ceux qui les gouvernent.

Oui, entendons-nous bien…

Poussé à l'absurde, ce genre de raisonnement conduirait en effet à dissoudre le peuple pour en élire un autre comme l'avait magnifiquement dénoncé Bertolt Brecht !

Non, non, ce n’est nullement “poussé à l’absurde”, c’est le sens même de ce raisonnement..

Mais tout de même,

ahhhhhh…

l'exemple britannique nous a offert en quelques mois un condensé de perversion démocratique, une extravagante illustration de ce qu'il ne faut pas faire : d'abord une manœuvre bassement politicienne de David Cameron pour rallier les suffrages eurosceptiques avant des élections à la Chambre des communes,

eh oui, c’est bassement politique de donner la parole au peuple.

Mais il suffit de créer un référendum d’initiative populaire pour résoudre ce problème, non ?

puis une campagne démagogique

parce que sinon, c’est jamais démagogique une campagne….

faisant le jeu des

“faire le jeu de” : expression frappant toute personne disant des trucs dérangeants pour le pouvoir. Généralement suivi des expression “extrême-droite”, “populistes”, “nazis”, …

populistes de tout poil, des vainqueurs, enfin, qui reconnaissent dès le lendemain du scrutin avoir menti au pays

quelle blague, bientôt ils vont expliquer que le Royaume-Uni était bénéficiaire net de l’UE tu vas voir…

et – plus accablant encore – paraissent aujourd'hui bien démunis pour appliquer le verdict…

Pas compliqué pourtant :

1/ prendre les accords Suisse / UE

2/ remplacer Suisse par UK

3/ renvoyer le tout à Bruxelles

Tyrannie de la majorité

Quel naufrage, et quelle ironie, de voir les inventeurs du régime parlementaire sombrer sous les coups de boutoir de la démocratie directe !

Hein ?

Le référendum, ça blesse, ça brûle, ça divise“, a justement rappelé au lendemain du scrutin le commissaire européen Pierre Moscovici devant la tentation exprimée par quelques populistes français d'imiter nos voisins britanniques.

Alors que le PS, ça rassemble…

On connaît depuis longtemps en effet les limites de l'exercice. Le caractère binaire de la question posée ne permet pas une campagne sereine. Il ouvre grand la porte à la caricature, aux mensonges et aux raccourcis. Plus le sujet est complexe, plus la réponse est décalée.

Hein ? Ben c’était clair non ?

Car sa portée, alors dévoyée, se transforme souvent en plébiscite ou en rejet de son initiateur.

L’initiateur, c’est bien le type qui a gagné les élections l’année dernière ?

Quant à son résultat, forcément aussi manichéen que son intitulé, il revient à exercer une forme de tyrannie de la majorité faisant bien peu de cas des avis contraires.

Alors que si le Remain avait gagné, on aurait tenu compte des minoriatires, comme on l’a vu.

Mais bon, depuis 2005, on a la tyrannie de la minorité, c’est pire.

Il suffit, pour s'en convaincre, de voir aujourd'hui le désespoir de la jeunesse anglaise.

862 suicides de jeunes en une semaine, en effet.

Arme de frustration massive

Enfin et surtout, en matière d'affaires européennes, le référendum peut devenir une arme de frustration massive si son verdict se révèle trop compliqué à appliquer. On l'a vu en 2005 à propos du traité constitutionnel européen, en 2015 avec Aléxis Tsípras en Grèce et demain – qui sait ? – avec le Brexit.

Où ai-je rangé ma batte de base-ball ?

L'Europe n'est pas exempte de critiques, loin de là. Elle est même clairement responsable du divorce à bas bruit qui couve entre ses élites et les opinions publiques. Elle a besoin de se réformer, bien sûr, de manière urgente et profonde, pour devenir plus efficace, plus transparente et plus démocratique.

zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

Mais ce changement doit être conduit par des représentants élus sur la base de programmes clairs. On n'a pas attendu le Brexit pour découvrir que la somme des intérêts particuliers ne dessine jamais l'intérêt général. Ni qu'un référendum – notre passé bonapartiste l'a montré – pouvait parfois se révéler liberticide !

Tout comme des socialistes votant les pleins pouvoir à Pétain, en effet, il faut se méfier.

Matthieu Croissandeau

Source : Le Nouvel Obs, Matthieu Croissandeau, 29-06-2016

Cadeau :

« Le Général me répète, avec encore plus d'énergie, ce qu'il m'a dit déjà plusieurs fois au sujet des journalistes: « Peyrefitte, je vous supplie de ne pas traiter les journalistes avec trop de considération. Quand une difficulté surgit, il faut absolument que cette faune prenne le parti de l'étranger, contre le parti de la nation dont ils se prétendent pourtant les porte-parole. Impossible d'imaginer une pareille bassesse – et en même temps une pareille inconscience de la bassesse.
Vos journalistes ont en commun avec la bourgeoisie française d'avoir perdu tout sentiment de fierté nationale.
Pour pouvoir continuer à dîner en ville, la bourgeoisie accepterait n'importe quel abaissement de la nation. Déjà en 40, elle était derrière Pétain, car il lui permettait de continuer à dîner en ville malgré le désastre national. Quel émerveillement ! Pétain était un grand homme. Pas besoin d'austérité ni d'effort ! Pétain avait trouvé l'arrangement. Tout allait se combiner à merveille avec les Allemands. Les bonnes affaires allaient reprendre.
Bien sûr, cela représente 5% de la nation, mais 5% qui, jusqu'à moi, ont dominé. La Révolution française n'a pas appelé au pouvoir le peuple français, mais cette classe artificielle qu'est la bourgeoisie. Cette classe qui s'est de plus en plus abâtardie, jusqu'à devenir traîtresse à son propre pays. Bien entendu, le populo ne partage pas du tout ce sentiment. Le populo a des réflexes sains. Le populo sent où est l'intérêt du pays. Il ne s'y trompe pas souvent.
En réalité, il y a deux bourgeoisies. La bourgeoisie d'argent, celle qui lit Le Figaro, et la bourgeoisie intellectuelle, qui lit Le Monde. Les deux font la paire. Elles s'entendent pour se partager le pouvoir. Cela m'est complètement égal que vos journalistes soient contre moi. Cela m'ennuierait même qu'ils ne le soient pas. J'en serais navré, vous m'entendez ! Le jour où Le Figaro et l'Immonde me soutiendraient, je considérerais que c'est une catastrophe nationale ! »
Extrait de C'était De Gaulle, par Alain Peyrefitte

Aucun commentaire: