vendredi 8 juillet 2016

Nathalie Le Roy: « Je ne suis pas seule à prétendre que l’enquête sur Kerviel a été manipulée »

Nathalie Le Roy: « Je ne suis pas seule à prétendre que l'enquête sur Kerviel a été manipulée »

Petite compilation…

Nathalie Le Roy : « Je ne suis pas seule à prétendre que l'enquête sur Kerviel a été manipulée »

Source : 20 minutes, Vincent Vantighem, 18.01.2016

Paris, le 15 janvier 2016. Nathalie Le Roy, ancienne commandante de la Brigade financière, dénonce des dysfonctionnements dans l'enquête Kerviel. - V.VANTIGHEM / 20 MINUTES

Paris, le 15 janvier 2016. Nathalie Le Roy, ancienne commandante de la Brigade financière, dénonce des dysfonctionnements dans l’enquête Kerviel. – V.VANTIGHEM / 20 MINUTES

Elle a décidé de continuer ses investigations seule et en dehors de tout cadre juridique. Ancienne commandante de la Brigade financière, la policière Nathalie Le Roy a fait part, dès 2012, de ses « doutes » au sujet de l'enquête qu'elle dirigeait sur Jérôme Kerviel. Ce dimanche, elle rend public un enregistrement clandestin de Chantal de Leiris. Ancienne vice-procureure au parquet de Paris [elle est aujourd’hui réserviste], celle-ci déclare, à son tour, que l'enquête a été « manipulée » par la Société générale. Mise en cause par la banque dans l'émission « Complément d'enquête », jeudi 14 janvier, Nathalie Le Roy a décidé d'expliquer sa démarche en exclusivité dans 20 Minutes

Pourquoi avez-vous décidé d'enregistrer à son insu Chantal de Leiris, la vice-procureure au parquet de Paris ?

J'ai commencé à avoir des doutes sur l'affaire Kerviel dès 2012. Petit à petit, ils se sont transformés en certitudes. Une fois détachée de mes fonctions au sein de la Brigade financière le 1er mars 2015, j'ai donc décidé de poursuivre mes investigations, seule, de manière informelle. C'est dans ce cadre que j'ai pris rendez-vous avec Chantal de Leiris. Et j'ai pris la précaution d'enregistrer les preuves des dysfonctionnements que je dénonce depuis un an.

Avec Chantal de Leiris, nous avions déjà évoqué ce sujet précédemment. Je me suis vue contrainte de l'enregistrer sans lui dire car je savais que mes seuls doutes ne suffiraient pas et que je serais lâchée par ma hiérarchie si je les rendais publics. Ce qui n'a pas manqué d'arriver…

Pourquoi avez-vous remis cet enregistrement à David Koubbi, l'avocat de Jérôme Kerviel ? Et pourquoi le publier maintenant alors qu'il a été réalisé le 17 juin 2015 ?

Oui, j'ai cet enregistrement en ma possession depuis juin 2015. J'avais fait part de mes doutes au juge d'instruction bien avant mais je déplore qu'ils n'aient pas fait avancer l'enquête et mis en lumière les dysfonctionnements dans cette affaire. J'ai donc décidé de remettre cet enregistrement à David Koubbi, à toutes fins utiles. Je ne voyais pas à qui d'autre faire part de ces éléments pour les rendre publics.

Pourquoi maintenant ? Parce que je me rends compte que la Société générale persiste à prétendre que mes doutes, mes assertions, ne reposent que sur un ressenti personnel. C'est du reste ce qu'elle a encore répété lors de l'émission « Complément d'enquête » sur France 2 le 14 janvier.


Complément d’enquête. Kerviel : des témoignages troublants

Or, les éléments contenus dans cet enregistrement montrent bien l'étendue des dysfonctionnements qui ont affecté ce dossier. Je ne suis pas seule à prétendre que l'enquête sur Jérôme Kerviel a été manipulée par la Société générale. Rendre public le contenu de la bande est aussi un moyen de me protéger.

N'avez-vous pas peur de mettre en difficulté Chantal de Leiris ?

J'ai très longuement hésité à publier cet enregistrement, ne souhaitant pas la mettre en difficulté. Mais, c'est pour moi, une façon de reconnaître le courage qu'elle a eu de me faire ces révélations, sachant qu'elle connaissait très bien ma position. Au risque de perdre sa confiance, je privilégie la vérité et les raisons qui m'ont conduite à rentrer, un jour, dans les rangs de la police. Je veux que la justice soit bien administrée.

Source : 20 minutes, Vincent Vantighem, 18.01.2016

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Affaire Kerviel : l’ex-PDG de la Société Générale accusé de délit d’initiés

Source : Challenges, 02-03-2016

D’après Mediapart et les Inrocks, Daniel Bouton aurait informé quatre jours avant la révélation du scandale plusieurs banquiers du “débouclage” imminent des positions prises par le trader Jérôme Kerviel.

Nouvelles révélations dans l’affaire Kerviel/Société Générale. Mediapart et les Inrocks donnent la parole dans un article à une journaliste financière affirmant que Daniel Bouton, le PDG de la banque à l’époque, avait informé plusieurs banquiers concurrents du “débouclage” imminent des positions prises par Jérôme Kerviel. Et ce, bien avant l’annonce officielle du scandale, pour leur demander leur aide.

La journaliste financière Marie-Jeanne Pasquette cite plus précisément deux banquiers, dont un, interrogé par Mediapart, a toutefois démenti. Il s’agit de Philippe Dupont, ancien président des Banques populaires, et Georges Pauget, ancien directeur du Crédit agricole. Selon des propos rapportés par cette journaliste, Daniel Bouton les aurait appelés dès le dimanche 20 janvier 2008, soit quatre jours avant la conférence de presse du 24 janvier qui allait officialiser “l’affaire Kerviel”.

Ebruiter ainsi une opération boursière aussi sensible, qui consiste à solder pour plusieurs milliards d’euros de pertes, avant que les marchés ne soient officiellement informés, reviendrait à orchestrer un délit d’initiés et une manipulation. Face à ces accusations de délit d’initiés, le groupe bancaire a annoncé une plainte en diffamation.

Plainte de la Société Générale

“Les avocats de Société Générale ont pour instruction de porter plainte pour diffamation” contre les directeurs des deux publications et les journalistes impliqués, a indiqué Jean Veil, avocat de la Société Générale. Me Veil estime que les informations relayées par les deux publications ont pour effet d’accuser l’ancien patron du géant bancaire Daniel Bouton de “délit d’initiés”, ce qui est selon lui “intolérable”.

Me Veil soutient que si Daniel Bouton a informé d’autres banquiers, il ne l’a fait que dans les règles, dans la soirée précédant la conférence de presse, ou juste avant, hors ouverture des marchés.

Le géant bancaire s’insurge également contre une autre information mise en avant notamment par les Inrocks: un éventuel “bluff” de la banque afin d’alourdir la perte attribuée à Jérôme Kerviel, officiellement 4,9 milliards d’euros. Ce qui aurait permis de masquer d’autres défaillances, sans lien avec l’ex-trader. Cette version avait été défendue lors du procès en appel de l’ex-trader par Philippe Houbé, alors employé d’une filiale de la Société Générale.

Dans un communiqué, la banque évoque des “pseudo-révélations” qui n’ont “pas été retenues par les tribunaux”. Un “travail de recyclage”, selon le groupe bancaire. Recyclage ou pas, une ramification de plus pourrait s’ajouter à la tentaculaire affaire Kerviel qui, huit ans après, n’en finit plus d’occuper les tribunaux français. L’ex-trader, qui reproche à la banque d’avoir couvert ses phénoménales prises de risque en toute connaissance de cause avant de le lâcher, tente en particulier de faire réviser sa condamnation pénale.

Source : Challenges, 02-03-2016

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La Société générale condamnée à verser 450 000 euros à Jérôme Kerviel

Source : Le Nouvel Obs07/06/2016

Le conseil de prud’hommes de Paris a jugé que le licenciement de Jérôme Kerviel par la Société Générale en 2008 s’était fait sans “cause réelle ni sérieuse”.

Le feuilleton continue. Le conseil de prud’hommes de Paris a condamné, ce mardi 7 juin, la Société générale à payer plus de 450.000 euros à son ancien trader Jérôme Kerviel pour l’avoir licencié sans “cause réelle ni sérieuse” et dans des conditions “vexatoires”.

C’est la première victoire judiciaire de l’ancien trader dans le bras de fer qui l’oppose depuis huit ans à son ancien employeur, lequel le rend seul responsable d’une perte de 4,9 milliards d’euros.

Une décision “scandaleuse”

L’avocat de la banque, Arnaud Chaulet, a dénoncé auprès de l’AFP une décision “scandaleuse” et fait appel, rappelant que Jérôme Kerviel avait été reconnu coupable au plan pénal pour des manoeuvres boursières frauduleuses.

Le conseil des prud’hommes a estimé, dans un jugement très sévère pour la Société générale, que cette dernière avait connaissance des dépassements par Jérôme Kerviel des limites imposées aux opérations de marché “bien avant” de lui signifier son licenciement le 18 janvier 2008.

Kerviel “très content”

De son côté, le conseil des prud’hommes a souligné que le licenciement début 2008 était intervenu pour “des faits prescrits”.

Cette juridiction civile a notamment accordé à l’ancien trader le paiement d’un bonus de 300.000 euros pour l’année 2007, jugeant qu’à l’époque la banque était “parfaitement au courant des opérations fictives” de Jérôme Kerviel, qui ont généré des profits pour le groupe.

En ajoutant diverses indemnités dont une pour les “conditions vexatoires” du licenciement, des congés payés, et des dommages intérêts, la somme se monte à quelque 455.000 euros, dont plus de 80.000 payables immédiatement, selon l’avocat de Jérôme Kerviel, Julien Dami Lecoz.

Celui-ci a averti l’ancien trader par téléphone, qui s’est dit “très content” de cette première décision en sa faveur.

Sur Twitter, il a également félicité ses avocats :

“Le combat continue encore et toujours… jusqu’à la fin. #Increvables”

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Source : Le Nouvel Obs07/06/2016

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Source : 20 Minutes, 17/06/2016

Affaire Kerviel: La Société Générale a «laissé faire», affirme un témoin

JUSTICE La cour doit déterminer si l'ex-trader, condamné pour abus de confiance, doit payer les 4,9 milliards d'euros exigés par la banque…

acques Werren, ancien dirigeant du marché à terme Matif, est affirmatif.

La Société Générale ne pouvait ignorer les agissements de Jérôme Kerviel et l'a donc « laissé faire », a déclarer jeudi sans ciller face à la cour d'appel de Versailles ce témoin cité par la défense de l'ancien trader devant la cour d'appel de Versailles La cour doit déterminer si l'ex-trader, condamné pour abus de confiance, doit payer les 4,9 milliards d'euros exigés par la banque, soit l'intégralité des pertes imputées à Jérôme Kerviel.

La banque l'a « laissé faire »

La Cour de cassation a en effet confirmé en 2014 sa condamnation à cinq ans de prison, dont trois ferme, mais cassé les dommages et intérêts réclamés par la Société Générale, estimant que ses mécanismes de contrôle avaient failli. « La thèse selon laquelle la Société générale n'a pas vu les opérations de Jérôme Kerviel est un défi au bon sens », a asséné Jacques Werren, au second des trois jours d'audience.

« Le marché à terme » sur lequel opérait l'ex-trader « faisait l'objet d'un suivi quotidien », a-t-il assuré à la barre. Et pour ce spécialiste des places boursières, il n'est « pas possible de dissimuler » ou de « cacher des positions » sur ce type de marché. La banque l'a donc « laissé faire », selon lui.

Une expertise financière réclamée par Kerviel

Ce que réfute la Société générale, qui assure que Jérôme Kerviel a pris massivement des positions fictives frauduleuses sans en référer à sa hiérarchie. Cité lui aussi par la défense, un ex-employé de la SocGen, chargé du contrôle des activités de trading à l'époque des faits, a affirmé qu’« aucune des opérations fictives » passées par le trader « n'a pu atteindre la comptabilité » de la société et que les pertes revendiquées par la banque après l'affaire Kerviel ne représentaient pas la réalité.

En fin d'audience, Jérôme Kerviel est revenu à la charge. « Depuis l'origine, je ne cesse de réclamer une expertise financière, ça m'a été systématiquement refusé. Je sollicite à nouveau une expertise pour qu'on ait le coeur net » sur les pertes de la SocGen dans cette affaire.

Un enregistrement audio qui pourrait faire basculer l'enquête

Plus tôt dans la journée, la défense de l'ex-trader avait produit un enregistrement audio qui, selon elle, montrait que le dossier judiciaire avait été « manipulé » par la banque. Dans cet enregistrement clandestin, on entend une conversation privée entre l'ancienne vice-procureure de la République de Paris Chantal Colombet-De Leiris et une ex-policière de la Brigade financière, Nathalie Le Roy, chargée d'enquêter sur l'affaire.

Dans des extraits sélectionnés par la défense et diffusés à l'audience après l'avoir été dans la presse en janvier, la magistrate aujourd'hui retraitée pointe des dysfonctionnements. « Vous étiez entièrement manipulée par la Société Générale », dit-elle à son interlocutrice qui lui réplique : « On ne savait pas où aller. On a été dirigés en fait ».

Et la magistrate d'affirmer que ce n'est pas un magistrat qui a rédigé l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris, « c'est un des avocats (de la Société Générale) qui lui a communiqué ».

A l'issue de l'écoute de l'enregistrement, un avocat mandaté par Chantal Colombet-De Leiris a demandé à la cour de juger la diffusion de l'enregistrement illégal. En vain.

Source : 20 Minutes, 17/06/2016

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Source : La Tribune, 17/06/2016

Procès Kerviel : l'avocat général estime que la Société générale ne peut prétendre aux 4,9 milliards d’euros de dommages-intérêts

“La Société générale a laissé le champ libre aux velléités délictuelles de Jérôme Kerviel”, a estimé Jean-Marie d’Huy. Le jugement sera mis en délibéré au 23 septembre.

Coup de tonnerre au procès Kerviel. Dans ses réquisitions, l’avocat général a en effet estimé que l’ex-trader n’avait plus à s’acquitter des 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts réclamés par la Société générale. Pour Jean-Marie d’Huy, Jérôme Kerviel « a bien été condamné pour des délits qu’il a commis, et la Société générale est bien victime. » Pour autant, « quand j’entends parler de « négligences » (au sujet des manquements de la Société générale dans ses mécanismes de contrôle), cela me paraît bien en-deçà des faits », estime l’avocat général dans son réquisitoire.

« La Société générale a laissé le champ libre aux velléités délictuelles de Jérôme Kerviel »

Jean-Marie d’Huy se réfère au rapport de la Commission bancaire, le gendarme du secteur à l’époque des faits, selon lequel « les faiblesses des dispositifs de contrôle de la Société générale étaient un facteur de vulnérabilité au rogue trading (traders voyous). » Toujours selon ce rapport, les « défaillances et carences graves des systèmes de contrôle de la Société générale se sont poursuivis sur une longue période, tout au long de l’année 2007 », « ce qui a rendu possible la réalisation et le développement de la fraude, et ses graves conséquences financières. »

« Des négligences qui durent deviennent intentionnelles », tonne l’avocat général. Pour Jean-Marie d’Huy, « un pilier de la place bancaire qui, malgré les avertissements et les recommandations de ses propres services, continue de fonctionner en dehors du champ réglementaire sans apporter de réponses, commet une faute grave. » Et Jean-Marie d’Huy d’enfoncer le clou : « La Société générale a laissé le champ libre aux velléités délictuelles de Jérôme Kerviel. ».  L’avocat général a donc sollicité de la cour d’appel de Versailles qu’elle rejette la demande de dommages-intérêts de 4,9 milliards d’euros formulée par la banque. Ainsi que l’expertise de cette somme demandée par Jérôme Kerviel, celle-ci devenant de facto sans objet. David Koubbi, avocat de l’ancien trader, a accueilli “avec surprise et contentement” la première partie de la solution prônée par Jean-Marie d’Huy, mais a ajouté que cela “ne changeait rien à (la) demande d’expertise judiciaire” sur la perte de 4,9 milliards demandée par la défense de Jérôme Kerviel. Le jugement sera mis en délibéré au 23 septembre. “Surprise” par les réquisitions de l’avocat général, la banque a indiqué dans un communiqué attendre “avec sérénité” l’arrêt de la cours d’appel de Versailles.

Le volet civil de l’affaire cassé par la Cour de Cassation en 2014

Pour rappel, Jérôme Kerviel avait été condamné, en première instance en 2010, puis en appel en 2012, à cinq ans de prison, dont trois ferme, et au versement de 4,9 milliards d’euros de dommages-intérêts à la Société générale, pour abus de confiance, introduction de données frauduleuses dans un système informatique, faux et usage de faux.

Mais le volet civil de l’affaire, relatif aux dommages-intérêts, avait été cassé par la Cour de cassation le 19 mars 2014. La plus haute juridiction française avait estimé que la cour d’appel de Paris avait insuffisamment pris en compte les défaillances des mécanismes de contrôle de la Société générale, et avait renvoyé le jugement du volet civil devant la cour d’appel de Versailles.

Cette dernière doit donc évaluer le degré des responsabilités de la banque dans la perte de 4,9 milliards d’euros qu’elle avait subie en janvier 2008, à l’issue du débouclage des énormes positions non autorisées prises sur les marchés financiers par son ancien trader. Une évaluation qui pourrait conduire Jérôme Kerviel à ne pas être redevable de la totalité des 4,9 milliards d’euros à la Générale, et contraindre la banque à rembourser tout ou partie de la déduction fiscale de 2,2 milliards qu’elle avait perçue dans le cadre de cette affaire.

A qui la faute ?

Selon François Martineau, l’un des avocats de la Société générale, la cour d’appel de Versailles devra apprécier le partage des responsabilités entre Jérôme Kerviel et la banque en fonction de la gravité de leurs fautes respectives, c’est-à-dire de leur caractère intentionnel ou non. La Société générale a-t-elle fauté ? Oui, dans son rapport de l’époque, la Commission bancaire, le gendarme du secteur, avait pointé du  doigt des « manquements », des « carences graves » dans les systèmes de contrôle de la banque, Me Martineau en convient.

Mais, souligne l’avocat, « ces manquements n’étaient pas intentionnels, selon la Commission bancaire. Ils sont assimilables à des fautes de négligence. » Rien à voir, donc, avec « les infractions pénales de Jérôme Kerviel, qui étaient des fautes intentionnelles » et qui ont été jugées et sanctionnées comme telles en première instance puis en appel, des jugements confirmés par la Cour de cassation. « Les systèmes de contrôle de la Société générale ont été confrontés à un fraudeur redoutable, d’autant plus que, de par son expérience passée [Jérôme Kerviel avait travaillé au middle-office avant de rejoindre le back-office des traders ; Ndlr], il en avait une très bonne connaissance. Ce fraudeur délinquant est bien à l’origine du dommage subi par la Société générale », assène Me Martineau.

Une “faute morale” de Kerviel selon les avocats de la banque

Selon l’avocat de la Société générale, l’ancien trader ne s’est pas seulement rendu coupable de prises de positions non autorisées et excessives sur les marchés, lesquelles avaient atteint 52 milliards d’euros en janvier 2008, soit 1,5 fois les fonds propres de la Société générale, exposant ainsi la banque à une perte latente de 2,7 milliards. Outre ces engagements non autorisés, qu’il dissimulait par des opérations fictives, Jérôme Kerviel a commis une « faute morale », estime Me Martineau. Et ce, en brisant « gravement » la confiance que ses supérieurs et ses collaborateurs avaient en lui.

« Je suis sûr que cette faute morale pèsera lourd dans votre délibéré », a conclu Me Martineau en s’adressant à la cour d’appel de Versailles.

« Le dénominateur commun des négligences reprochées à la Société générale dans son système de contrôle, ce sont des interlocuteurs qui ne s’attendaient pas à ce qu’on leur mente en les regardant droit dans les yeux. Jérôme Kerviel a défié systématiquement les systèmes de contrôle de la banque, il était convaincant parce qu’il savait dire à chaque personne ce qu’elle voulait entendre. Il a l’image de quelqu’un à qui on peut faire confiance », a renchéri Marion Lambert, elle aussi membre de la défense de la Société générale.

 « Quand Jérôme Kerviel vient devant la cour avec des airs de sainte-nitouche, je trouve ça scandaleux »

Pour Jean Veil, également avocat de la banque, cette dernière avait notamment manifesté sa confiance à Jérôme Kerviel en le faisant passer du middle-office au sacro-saint front office des traders, une promotion inespérée pour un garçon qui n’était pas issu de Polytechnique ou de Centrale. « Et cela [ce type de promotion ; ndlr], c’est terminé, ça ne se fait plus », déplore Me Veil. Pour qui Jérôme Kerviel n’a pas seulement infligé « un préjudice considérable » aux salariés de la Société générale sur le plan financier, mais également en matière d’évolution de carrières. « Alors, quand Jérôme Kerviel vient devant la cour avec des airs de sainte-nitouche, je trouve ça scandaleux », estime Jean Veil.

Les trois avocats de la Société générale ont donc demandé que la banque perçoive, à titre de dommages-intérêts, l’intégralité du préjudice subi, soit 4,9 milliards d’euros. Un chiffre qui, contrairement à la requête de Jérôme Kerviel, « ne justifie en aucun cas une nouvelle expertise », affirme Me Veil.

L’avocat en veut pour preuve sa vérification par les commissaires aux comptes de la Société générale et par la Commission bancaire. Pour lui, si quelqu’un a cherché à s’enrichir, dans l’affaire, ce n’est pas la Générale mais son ancien trader, alors que ce dernier assure le contraire depuis huit ans. La récente décision du conseil de prud’hommes de Paris d’obliger la banque à verser plus de 455.000 euros à Jérôme Kerviel, pour licenciement « sans cause réelle ni sérieuse » en 2008, montre qu’il « y avait bien, depuis l’origine, un désir d’enrichissement (de la part de Jérôme Kerviel) et non de philanthropie (à l’égard de la banque, comme Jérôme Kerviel l’a dit mercredi) », souligne Me Veil, qui qualifie l’ancien trader « d’escroc », de « délinquant. »

Christine Lejoux, à la cour d’appel de Versailles

Source : La Tribune, 17/06/2016

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Source : 20 Minutes, 01/07/2016

Affaire Kerviel/Société Générale: Des réunions discrètes pour enterrer un rapport fiscal à deux milliards

JUSTICE Les avocats de la banque ont entretenu des liens étroits avec certains membres du parquet de Paris pendant l’enquête sur l’affaire Kerviel…

C'est un « document de travail » à 2,197 milliards d'euros. D'après une enquête conjointe de 20 Minutes, Mediapart et France Inter, un rapport égratignant la Société Générale aurait été enterré par le parquet de Paris lors de l'enquête sur l'affaire Kerviel, en mai 2008. Plus encore que le document, c'est surtout la principale question qu'il soulève qui n'a, à l'époque, fait l'objet d'aucun examen approfondi par la justice.

Une question à un peu plus de 2 milliards d'euros, donc. Soit le montant du coup de pouce fiscal dont a bénéficié la Société Générale, en 2008. Comme la loi sur le crédit d'impôt le lui permet, la banque a déduit de sa déclaration fiscale une partie des « pertes exceptionnelles » occasionnées, selon elle, par l'affaire Kerviel.

La défense de la Société Générale jugée « peu plausible »

Avait-elle raison de le faire ? Le rapport de 25 pages que nous nous sommes procuré – reconstitué après avoir été passé à la broyeuse – instille le doute à ce propos. Il est signé par Cédric Bourgeois. Assistant spécialisé au sein de la section financière du parquet de Paris, cet expert – diplômé de l'ESCP et formateur à l'Ecole de la magistrature – était alors chargé de suivre les développements de l'enquête afin d'en rendre compte à sa hiérarchie. Il s'exécute le 14 mai 2008 en rédigeant ce « document de travail ».

Sans exonérer Jérôme Kerviel de ses responsabilités, il juge, à plusieurs reprises, « peu plausible » la défense de la banque qui assure qu'elle ignorait tout des agissements de son ancien trader. Mais c'est surtout dans la dernière partie de son rapport – intitulée « Les questions soulevées par le comportement de la partie civile » – qu'il met le doigt sur le nœud fiscal à 2,197 milliards d'euros.

Selon l'expert, le parquet aurait dû saisir le fisc

« La Société Générale apparaît très intéressée à faire reconnaître l'existence d'une fraude complexe sous peine [de devoir rembourser son crédit d'impôt]. » Raison pour laquelle selon lui, « il apparaît nécessaire » que sa hiérarchie saisisse l'administration fiscale pour vérifier la légalité de toute cette opération. La préconisation a beau figurer en caractères gras dans le document, elle ne sera pas suivie d'effet.

Plutôt que de se rapprocher du fisc, Jean-Michel Aldebert, le chef de la section financière au parquet, va évoquer directement cette question avec les avocats de la Société Générale. Selon différentes sources, le rapport fait ainsi l'objet, fin mai 2008, de plusieurs réunions discrètes entre les avocats de la banque et le magistrat dans une salle de conférences située au septième étage du pôle financier du parquet de Paris. Est-ce là que les participants « évacuent » le risque pour la banque de devoir rembourser à l'Etat les 2,197 milliards d'euros ?

Impossible de l'affirmer. Seule certitude : ce n'est qu'en 2010, soit deux ans plus tard et après la condamnation de Jérôme Kerviel, que l'existence de cette déduction fiscale apparaît dans la presse et dans le débat public.

« Les magistrats étaient sous la coupe des avocats de la Société Générale »

Contacté, Jean-Michel Aldebert n'a pas souhaité répondre à nos questions « ne voyant pas l'intérêt de [s]'exprimer sur une affaire [ayant conduit à la condamnation pénale de Jérôme Kerviel] ». Quant à Cédric Bourgeois, sollicité à plusieurs reprises, il assure, par la voix de son avocat, être soumis à « un secret professionnel absolu et illimité dans le temps » qui l'empêche d'apporter les précisions que nous lui avons demandées. Un « secret » qu'ont également invoqué plusieurs autres membres du parquet à l'époque que nous avons joints.

>> A lire aussi : >> Les politiques réclament des comptes à la Société Générale

Dans un enregistrement clandestin révélé en janvier par 20 Minutes et Mediapart, la magistrate Chantal de Leiris dévoilait déjà « des choses pas normales dans ce dossier », évoquant des « magistrats [du parquet] complètement sous la coupe des avocats de la Société Générale ». L'enregistrement de son témoignage ayant été réalisé à son insu, elle a fini par déposer plainte pour « atteinte à la vie privée ». La révélation, ce vendredi, du traitement dont a fait l'objet la question fiscale de la Société Générale est tout de même de nature à étayer le fond de ses propos.

« C'est une pratique permanente », assurent les avocats de la banque

Informés de la teneur de notre enquête, Jean Veil, Jean Reinhart et François Martineau, les trois avocats de la banque ont reconnu les contacts qu'ils ont entretenus avec les membres du parquet tout en minimisant leur importance. « C'est une pratique permanente et qui profite à tous les justiciables victimes et mis en cause. Les avocats de Jérôme Kerviel ont [aussi] fait le siège des procureurs (…) Ils en avaient le droit et nous n'avons jamais protesté qu'ils en usent », nous ont-ils fait savoir dans une déclaration écrite.

Sur le rapport de Cédric Bourgeois, les conseils de la banque n'ont, en revanche, pas souhaité s'exprimer car « ils en ignorent le contenu », alors même que nous avons proposé de le leur présenter.

Très pugnace, David Koubbi, l'avocat de Jérôme Kerviel, voit, lui, dans ces révélations une nouvelle preuve de ce qu'il dénonce depuis des mois. « La Société Générale a participé à une ''truquerie'' organisée, lâche-t-il. Il est temps de s'interroger sur les liens incestueux qui ont pu exister entre la section financière du parquet et les avocats de la banque. »

[Edit à 14h54]Dans un communiqué publié sur son site, la Société Générale dénonce « des pratiques de harcèlement médiatico-judiciaire, orchestrées par des médias partisans de la cause de Jérôme Kerviel. » La banque assure que « le sujet du traitement fiscal n’a pas été abordé pendant l’instruction dont l’objet était de qualifier les infractions pénales commises par Jérôme Kerviel. »

Source : 20 Minutes, 01/07/2016

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Lire aussi ceci : Les silences des procès Kerviel

C’est dommage, le sujet des procès Kerviel auraient mérité une enquête, mais je n’ai pas le temps. S’il y a des volontaires… 🙂

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