jeudi 29 septembre 2016

L’ex-commissaire européenne à la concurrence prise la main dans le pot de confiture

L'ex-commissaire européenne à la concurrence prise la main dans le pot de confiture

L’ex-commissaire européenne à la Concurrence était directrice d’une société offshore

Source : Le Point, le 22 septembre 2016.

La presse néerlandaise a révélé que Neelie Kroes dirigeait une société établie aux Bahamas pendant la durée de son mandat européen.

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Un nouveau « Bahamas Leaks ». L’ancienne commissaire européenne à la Concurrence Neelie Kroes a été directrice d’une société aux Bahamas durant son mandat, contrairement aux règles européennes, a révélé mercredi la presse néerlandaise. D’après les documents en possession du quotidien Süddeutsche Zeitung et du Consortium international des journalistes d’investigation ICIJ, Neelie Kroes a été directrice de Mint Holdings Ltd, une entreprise offshore établie aux Bahamas, « du 4 juillet 2000 au 1er octobre 2009 », ont indiqué les quotidiens néerlandais De Trouw et Het Financieele Dagblad.

Or, les commissaires européens doivent, au début de leur mandat, renoncer à toutes leurs fonctions de direction et notifier toutes celles, rémunérées ou non, des dix années précédentes dans un registre public. L’ex-ministre néerlandaise des Transports, qui dit s’être désinscrite depuis 2002, assure avoir quitté Mint Holdings au début de son premier mandat comme commissaire européenne en 2004 et évoque une faute administrative en 2009, ont rapporté les médias néerlandais.

Un directeur non exécutif

L’ancienne commissaire « était, selon ses propres dires, un directeur non exécutif et aurait donné des conseils stratégiques à Mint Holdings qui voulait racheter des parts du géant américain de l’énergie Enron pour 6 milliards de dollars », précisent les quotidiens. « Ce rachat a échoué à l’été 2000. » « Parce que Mint Holdings n’a jamais été opérationnelle, selon elle, elle n’a jamais fait état de sa fonction de direction », ajoutent De Trouw et Het Financieele Dagblad, qui publient plusieurs documents dont la source n’a pu être confirmée. Neelie Kroes « reconnaît qu’elle est formellement en infraction avec le code de conduite des commissaires européens », a-t-elle réagi auprès des deux quotidiens néerlandais.

Son avocat a informé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Cette docteur en économie assure en prendre l’entière responsabilité et accepter les conséquences, d’après les journaux. Quelque 1,3 million de documents d’entreprises aux Bahamas en possession de Süddeutsche Zeitung et de l’ICIJ ont été révélés sous le nom de « BahamaLeaks », selon De Trouw et Het Financieele Dagblad.


Bahamas Leaks : Neelie Kroes bientôt poursuivie ?

Source : Le Point.

L’ex-commissaire Neelie Kroes, accusée d’avoir dirigé une société offshore durant son mandat, pourrait être poursuivie. Le seul précédent : Édith Cresson.

Au cas où, Neelie Kroes a d’ores et déjà fait appel à un avocat. Et l’ancienne commissaire à la concurrence (2004-2009) et ex-vice présidente (2009-2014) de la Commission Barroso a peut-être raison de se préparer au pire… Aujourd’hui consultante pour la firme Uber, elle pourrait bientôt avoir à s’expliquer devant la Cour de justice de l’Union européenne, à la suite des révélations du Consortium international de journalisme d’investigation sur son rôle d’administratrice d’une société offshore aux Bahamas de 2000 à 2009, soit au cours de son mandat de commissaire à la concurrence. À moins que la commission Juncker, qui croule sous les scandales de son prédécesseur, n’en décide autrement.

Demande de clarifications

Dans une lettre envoyée dans la matinée de jeudi, Jean-Claude Juncker a demandé à l’ancienne commissaire « des clarifications » sur son rôle dans la compagnie et ce qu’elle savait exactement de ces fonctions. Une attitude similaire à celle prise en septembre concernant le président de la commission Barroso. À quelques différences près, toutefois : si le prédécesseur de Juncker n’a informé l’ex-Premier ministre luxembourgeois qu’une fois sa prise de poste rendue publique, Neelie Kroes a eu la délicatesse d’en informer la Commission par mail vendredi dernier. Elle y indique qu’elle n’a pas mentionné l’existence de « ce formulaire » lors de sa déclaration d’intérêt en tant que commissaire à la concurrence en 2004. Pendant six jours, pourtant, la Commission n’a pas réagi à ce mail. « Elle n’en a pris conscience que tardivement », le jour même des révélations, affirme une source européenne qui évoque une « énorme erreur ». Six jours, c’est néanmoins nettement plus rapide que lors de l’affaire Barroso, où il avait fallu deux mois au président Juncker pour saisir le comité d’éthique européen.

Jusqu’où ira la Commission ?

Cette fois-ci, la Commission semble bien vouloir aller plus loin. C’est en tout cas ce qu’on laisse entendre dans les couloirs. Le cas Kroes est en effet jugé plus grave que celui de l’ancien président de la Commission, José Manuel Barroso, la suspicion portant sur un conflit d’intérêts au cours de son mandat. La Commission reste dans l’attente de nouvelles informations données par Neelie Kroes. À 75 ans, l’ancienne commissaire, déjà attaquée par les eurodéputés lors de sa prise de fonction en 2004 pour ses multiples casquettes d’administratrice au sein de sociétés privés – plus de quarante à l’époque – se défend d’avoir été administratrice de la société offshore jusqu’en 2009. Il y a eu une « erreur administrative », a indiqué son avocat au Consortium de journalistes. La société, créée pour racheter les actifs du géant américain de l’énergie Enron Cop, a échoué en 2000 puis a fait faillite. « Elle pensait qu’elle n’était plus administratrice dès le moment où cette société n’était plus nécessaire », a justifié son avocat. Des affirmations qu’elle devra répéter aussi à Juncker.

Mais plusieurs questions se posent. Qui mènera l’enquête ? Les réponses restent vagues. Une chose est sûre : la Direction générale de la concurrence, menée par la Suédoise Magrete Vestager, déjà au cœur de toutes les attentions pour s’être attaquée aux géants économiques américains dont Apple et Google, pourrait l’être encore davantage. Qui dit en effet que l’ancienne commissaire néerlandaise n’a pas usé de sa fonction pour avantager tels ou tels clients lors de son mandat dans la très puissante DG ? Le fils de Badr-El-Din, un autre administrateur de la société, soutient déjà sur son blog avoir fait un stage dans le cabinet de la commissaire, en 2007.

Le précédent Édith Cresson

Lire la suite : Le Point.


« Bahamas Leaks » : la trahison morale des élites

Source : Le Monde / Idées, le 22 septembre 2016.

Editorial du « Monde ». L'affaire est consternante. L'ancienne commissaire européenne à la concurrence Neelie Kroes a été membre du conseil de direction d'une société offshore aux Bahamas jusqu'en 2009, alors qu'elle était en poste à la Commission européenne, entre 2004 et 2014. C'est ce que révèlent les documents confidentiels auxquels Le Monde a eu accès. La Néerlandaise, après avoir nié l'affaire, l'a reconnue.

Cette structure, Mint Holdings Limited, a été mise en place en 2000 avec des investisseurs des Emirats arabes unis pour racheter des actifs d'Enron, géant américain de l'énergie aujourd'hui disparu. Mme Kroes, 75 ans, explique aujourd'hui que cette société n'a jamais été opérationnelle, qu'elle n'a reçu aucun avantage financier et ajoute qu'une « erreur administrative a été commise » : sa présence en tant que directrice sur le registre de la société aurait dû être supprimée en 2002.

On aimerait la croire. Mais comment expliquer qu'elle ait « oublié », lorsqu'elle est devenue commissaire, de mentionner, dans sa déclaration d'intérêts, comme l'exige la règle européenne, cette activité qui remontait à moins de dix ans. Mme Kroes, franchement, on n'oublie pas qu'on a voulu racheter Enron ! Dès lors, c'est toute sa crédibilité qui s'effondre. Sur la prétendue non-activité de cette « coquille » dont on peut être sûr qu'elle était opaque, beaucoup moins qu'elle était vide. Sur son impartialité lorsqu'elle était commissaire à la concurrence et avait un œil sur le secteur de l'énergie…

Une attirance maladive pour l'argent

Lire la suite : Le Monde / Idées, le 22 septembre 2016.

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