jeudi 15 septembre 2016

Profits, dividendes, fiscalité : les actionnaires vainqueurs de la lutte des classes

Profits, dividendes, fiscalité : les actionnaires vainqueurs de la lutte des classes

Bien sûr, ce n'est pas nouveau, mais plutôt le fruit de décennies de politiques ultralibérales. Mais le plus effarant reste que, malgré le déluge de chiffres confirmant que les excès du passé ont repris de plus belle, il n'y ait pas véritablement de remise en cause de la victoire des actionnaires.



Champagne en haut, austérité en bas

Il est dommage que ces chiffres soient tombés pendant l'été, de manière trop discrète. Sur le seul second trimestre, pas moins de 372 milliards d'euros ont été distribués aux actionnaires de la planète, un chiffre en hausse de plus de 2%. Sur l'ensemble de l'année, ce sont pas moins de 1180 milliards d'euros qui devraient être distribués, une progression de 4% ! Un article de la Tribune détaille l'évolution récente : le fait que la part des profits distribués est passée de 26 à 38% en cinq ans, que 44 des 500 plus grandes entreprises cotées distribuent plus d'argent qu'elles ne font de profits, parmi lesquelles Pfizer, Mattel ou Kraft Heinz, les entreprises, comme Shell, qui licencient tout en les augmentant. En France, en 2015, SFR, en difficulté, a distribué 2,5 milliards, près de 4 fois ses 682 millions de profits !

Et encore, cela ne prend pas en compte les rachats d'actions, auxquels les entreprises consacrent des centaines de milliards par an, au point que même The Economist juge que cela va un peu trop loin. Le pouvoir des actionnaires se lit aussi dans le niveau historiquement très élevé des profits dans le PIB, point également critiqué par The Economist. Aux Etats-Unis, ils ont un peu baissé avec la forte chute du prix du pétrole, mais en France, les profits du CAC 40 affichent un gain de 11% au premier semestre 2016. Et les dirigeants sont bien récompensés, avec des revenus en hausse de 10% outre-Manche, au point d'attirer l'attention de Theresa May. Et quand un patron du CAC40, touche plus de 4 millions par an, un Français moyen en touche 20 148, un écart qui ne cesse de se creuser.

Mais finalement, le plus incroyable dans notre époque, et qui signe la victoire par KO des actionnaires, c'est le fait que l'explosion des profits des entreprises et des rémunérations des actionnaires et des dirigeants alors que les salariés souffrent du chômage et d'un pouvoir d'achat en berne, ne provoque pas de révolte politique, si ce n'est de manière très limitée, même si le sujet agite de plus en plus la sphère intellectuelle. Pire encore, jamais à une trahison près, c'est le PS qui vient de réduire les coûts des entreprises de 50 milliards, tout en déconstruisant le droit du travail, n'éteignant pas les larmes de crocodile d'un patronat qui se plaint encore du niveau des impôts, feignant d'oublier toutes les exonérations qui permettent de minorer fortement leur contribution à la société qui permet leurs profits.



C'est peu de dire que les actionnaires sont aujourd'hui les vainqueurs sans partage de la lutte des classes. Ils le sont d'autant plus qu'ils ont gagné le débat public, au point que même la gauche de la gauche ne les remet plus vraiment en question. Mais aussi écrasante soit-elle, cette victoire n'est que temporaire car les excès actuels produiront les mêmes résultats que dans le passé et le débat n'est pas mort.

Aucun commentaire: