vendredi 23 septembre 2016

Regards ‘changés’ et ‘langues déliées’ : Des musulmanes évoquent l’Europe d’aujourd’hui

Regards 'changés' et 'langues déliées' : Des musulmanes évoquent l'Europe d'aujourd'hui

Là encore, article du New York Times en Français – on dirait qu’ils commencent à s’inquiéter pour la situation ici outre-Atlantique (à tort ou à raison)…

P.S. Pour les mal-comprenants habituels, je n’approuve pas forcément tout, je vous montre simplement ce qu’il y a dans le NYT…

Source : The New York Times, Lillie Dremeaux, septembre 2016

Saima Ashraf, 39 ans, à la mairie de Barking, à Londres, où elle travaille. Elle dit qu'elle n'aurait jamais pu accomplir en France ce qu'elle a construit à Londres en portant le voile. Credit Andrew Testa pour le New York Times

Saima Ashraf, 39 ans, à la mairie de Barking, à Londres, où elle travaille. Elle dit qu'elle n'aurait jamais pu accomplir en France ce qu'elle a construit à Londres en portant le voile. Credit Andrew Testa pour le New York Times

Les voix des femmes musulmanes ont été quasiment noyées par le débat agité sur l'interdiction de se baigner en burkini sur les plages de plus de 30 municipalités françaises; femmes pour qui ces maillots couvrant complètement le corps ont été conçus. Le New York Times a sollicité leurs avis, et les réponses — plus de 1000 messages de Belgique, de France et d'ailleurs — vont bien au-delà de la question des tenues de plage.

Le résultat brosse le portrait de la vie de la femme musulmane, voilée ou pas, dans les parties d'Europe où le terrorisme a le plus tendu les sociétés. Le mot "combat" a été utilisé des dizaines de fois. Beaucoup de celles qui sont nées en France parlent de confusion quand on les enjoint de rentrer là d'où elles viennent.

Les tribunaux ont suspendu plusieurs interdictions suite à une décision du Conseil d'État la semaine dernière — l'interdiction à Nice, où s'est déroulé un horrible attentat terroriste le 14 juillet dernier, a été suspendue ce jeudi — mais le débat est loin d'être terminé.

"Depuis des années, nous supportons les regards et les propos menaçants," écrit Taslima Amar, 30 ans, enseignante en banlieue parisienne. "On m'a demandé de rentrer chez moi (alors que je suis chez moi)." Désormais, Mme Amar a ajouté, elle espère quitter la France avec son époux.

Laurie Abouzeir, 32 ans, écrit qu'elle envisage de se mettre à son compte et de s'occuper d'enfants à son domicile toulousain. Cela lui permettrait de porter le voile, qui est vu d'un mauvais œil et parfois même interdit sur certains lieux de travail.

Beaucoup de femmes écrivent que les préjugés anti-Musulmans se sont intensifiés ces derniers mois et années, citant les attaques terroristes de Paris en 2015, ainsi que celles de Bruxelles et de Nice cette année. Halima Djalab Bouguerra, étudiante de 21 ans à Bourg-en-Bresse, évoque une date antérieure, estimant que les choses avaient déjà commencé à changer en 2012, avec les meurtres de Mohammed Merah dans le sud-ouest du pays.

"Il y a surtout eu des regards qui ont changé", écrit Mme Bouguerra. "Les langues se sont déliées, plus personne n'a peur de dire à un musulman : "Rentre chez toi."

Voici quelques extraits des commentaires que nous avons reçus, parfois condensés et modifiés pour plus de clarté, et traduits en français lorsqu'ils nous ont été envoyés en anglais.

Dina Srouji, 23 ans, est étudiante à l'Université de Gand en Belgique. Credit Gael Turine pour le New York Times

Dina Srouji, 23 ans, est étudiante à l'Université de Gand en Belgique. Credit Gael Turine pour le New York Times

Quand le burkini est apparu, j'étais heureuse pour ma sœur, qui était en vacances et pouvait enfin jouer sur la plage avec ses enfants plutôt que de devoir rester à l'ombre. Au début de la polémique, je me suis dit, "C'est pas grave, Dina, c'est simplement quelques personnes étroites d'esprit qui n'ont rien d'autre à faire que de semer la haine." Mais là ? Je pensais que c'était justement tout ce contre quoi l'Europe se battait. … Comment est-il possible que dans un monde "moderne", bronzer toute nue soit acceptable, mais garder ses vêtements à la plage ne le soit pas ?

Dina Srouji, 23 ans, Lebbeke, Belgique. Étudiante et apprentie journaliste à l'Université de Gand. Instagram: @dindinsr.

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Cela me rappelle mon premier jour au lycée après l'interdiction en France du port du hijab à l'école. Mon professeur m'avait obligé à retirer mon voile devant tous les autres élèves. J'étais humiliée. … Aujourd'hui, ça me brise le cœur de nouveau. J'ai simplement regardé cette femme retirer un vêtement et je me suis demandée : quand est-ce que cela va s'arrêter ?

Hajer Zennou, 27 ans, Lyon. Designer. Elle faisait référence à une femme à Nice qui a été obligé de retirer sa chemise à la plage.

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On m'insulte, me crache dessus (littéralement) tous les jours dans le métro, le bus, mon école. Pourtant, je n'ai jamais insulté, frappé quelqu'un. Non, je suis juste musulmane. Je pense sérieusement partir vivre ailleurs, où le regard des autres ne me fera plus pleurer chaque soir dans mon lit. … J'ai peur un jour de porter une lune jaune sur mes habits, comme l'étoile de David pour les Juifs il n'y a pas si longtemps.

Merci à vous de nous écouter et nous donner la parole.

Charlotte Monnier, 23 ans, Toulouse. Étudiante en architecture.

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J'étais curieuse de voir si, dans les villes où ils ont interdit les femmes en burkini, les chiens avaient le droit de nager. La réponse est oui dans certains cas. Personnellement, je suis scandalisée que les chiens aient plus de droits que des femmes voilées.

Samia Fekih, 36 ans, Paris. Chef de projet numérique.

Nawal Afkir, 25 ans, de Bruxelles. Elle est passionnée par la photographie. Credit Gael Turine pour le New York Times

Nawal Afkir, 25 ans, de Bruxelles. Elle est passionnée par la photographie. Credit Gael Turine pour le New York Times

Je suis assistante sociale et je fais mon maximum pour œuvrer pour une société juste et libre. Porter le voile ne signifie pas être asservie par un homme. Au contraire, cela signifie la réappropriation du corps et de ma féminité. … Merci New York Times de nous laisser cet espace de parole et la possibilité de nous exprimer librement. Chose qui nous manque peut-être en Europe.

Nawal Afkir, 25 ans, Bruxelles.

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À chaque fois que je me rends au Maroc, je me sens plus libre qu'en Occident, et j'y vois plus de libertés.

Souad el Bouchihati, 26 ans, Gouda, Pays-Bas. Assistante sociale.

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Ça ne me dérange pas de retirer mon voile pour travailler, ce qui me dérange, c'est de le cacher à mes collègues. … Bien entendu, je ne me suis pas cachée bien longtemps, j'ai croisé ma collègue de bureau en faisant les boutiques avec mon amie, donc forcément, j'étais voilée. Nous nous sommes dites bonjour, et dans l'oreille, je lui ai dit que je lui expliquerai. Je me sentais tellement mal de lui mentir depuis tout ce temps ! Un enfer ! Je lui ai donc envoyé un SMS pour lui dire la vérité. Elle m'a promis qu'elle comprenait et qu'elle ne le répéterait pas.

Hadjira Skoundri, 22 ans, Toulouse. Agent administratif à la préfecture.

Mira Hassine, 27 ans, habite Orléans et est responsable administrative dans une entreprise du bâtiment. Credit Ed Alcock pour le New York Times

Mira Hassine, 27 ans, habite Orléans et est responsable administrative dans une entreprise du bâtiment. Credit Ed Alcock pour le New York Times

Quand bien même vous faites tous les efforts inimaginables en croyant ainsi vous "intégrer", il vous est toujours martelé que pour bien faire et ainsi répondre à une intégration "complète" il nous faut renoncer à nos principes et notre religion. Dans nos foyers, au bureau ou entre amis, une sorte de pression sévit. On n'ose plus répondre favorablement à une invitation "d'amis", car nous en avons marre de devoir refuser un verre d'alcool et justifier poliment en y mettant les formes, tout ça en veillant à ne pas dire de choses préjudiciables dans ce que l'on peut presque appeler des excuses. Au bureau, les petites vannes du genre "tu as aidé tes cousins ?" à la suite d'un attentat. Et nos familles lors des repas qui maudissent ces terroristes et sont insultés par la nouvelle législation.

Alors quoi. On s'isole. Et lorsqu'on s'isole, on ne s'intègre plus.

Mira Hassine, 27 ans, Orléans. Responsable administrative dans une entreprise du bâtiment. Elle est musulmane mais ne porte pas le voile.

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Être musulmane en France, c'est vivre dans un régime d'apartheid dont l'interdiction de plage n'est que le dernier avatar. … Je crois que les femmes françaises musulmanes seraient fondées à demander l'asile aux USA, par exemple, tant les persécutions que nous subissons sont nombreuses.

Karima Mondon, 37 ans, professeur de français. Elle vient de quitter Lyon avec sa famille pour s'installer à Casablanca, au Maroc.

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Je suis une femme française et musulmane. Je vis à Londres. En France, je n'aurais jamais pu accomplir ce que j'ai fait à Londres en portant le voile. Je travaille dans l'administration locale, je suis adjointe au représentant de mon quartier et je porte le voile. Si j'étais en France, cela ne serait jamais arrivé.

Saima Ashraf, 39 ans, Londres. Twitter: @saimaashraf25.

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Je suis infirmière et voilée. Au travail, il m'est impossible d'avoir mon voile. Je le retire en arrivant. Pas de couvre-chef, pas de manche, rien qui puisse me couvrir pour être en corrélation avec mon mode de vie. … On nous refuse la possibilité d'aller à la piscine et maintenant à la plage. … Quelle est la prochaine étape ? Allons-nous porter des lunes pour être reconnus ?

Linda Alem, 27 ans, Paris. Infirmière en centre d'hémodialyse.

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Je me sens mal à en devenir parano ! Élève en classe préparatoire, je me suis fait insulter de salafiste et menacer de mort par un de mes camarades de classe. Pourquoi ? Car il m'a vue dans la rue avec mon voile. Quand je suis partie voir le proviseur-adjoint du lycée, la seule solution qu'elle a trouvée était notre renvoi à tous les deux si nous n'apaisions pas les tensions qu'il avait provoquées. Un vrai cauchemar, où toutes les issues mènent à l'injustice. …

En écrivant ces mots, j'ai les larmes aux yeux, et sans vouloir nous positionner en tant que victimes, leurs acharnements sur ces détails vont faire que je vais partir de ce pays tôt ou tard. Ils auront surement obtenu ce qu'ils veulent, mais je n'ai pas la force de Rosa Parks. Une ingénieure en moins en France, voilà leur punition.

Nora Mahboub, 21 ans, Paris. Étudiante en école d'ingénieurs.

Assia Boukhelifa, 22 ans, est étudiante en sciences politiques à Lille. Credit Ed Alcock pour le New York Times

Assia Boukhelifa, 22 ans, est étudiante en sciences politiques à Lille. Credit Ed Alcock pour le New York Times

Je trouve fou que les Français ont l'air de découvrir l'islam et nous parlent encore d'intégration alors qu'on en est aujourd'hui à la troisième voire quatrième génération de maghrébins musulmans installés en France.

Assia Boukhelifa, 22 ans, Lille. Étudiante en sciences politiques.

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Durant mes études, j'étais quelqu'un qui travaillait bien, j'adorais apprendre. Au fur et à mesure que j'avançais dans ma scolarité, je perdais toute motivation : Je savais qu'en tant que musulmane voilée, je n'avais aucun avenir dans le monde professionnel. On nous demande de nous intégrer, mais malheureusement eux ne nous intègrent pas.

Saadia Akessour, 31 ans, Liège, Belgique. Elle est mère au foyer qui a dû retirer son voile pendant un stage de sage-femme et qui a ensuite arrêté ses études.

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Je me suis baignée cet été du côté de Hendaye (sud-ouest de la France). J'ai été un peu la curiosité du coin, mais j'ai trouvé les gens bienveillants. Il me semble que les médias et politiciens sont en contradiction avec ce que le peuple pense.

Fadoua Hachimi, 41 ans, Les Lilas, France. Assistante achats.

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J'ai la sensation d'être une hors-la-loi, une espèce de bandit qui exige quelque chose d'interdit alors que je n'exige rien d'autre que mon droit à la liberté.

Nadia Lamarti, 35 ans, Zellik, Belgique. Elle est mère de quatre filles et de formation auxiliaire sociale.

Siam Ferhat-Basset, 29 ans, près de chez elle à Drancy. Credit Ed Alcock pour le New York Times

Siam Ferhat-Basset, 29 ans, près de chez elle à Drancy. Credit Ed Alcock pour le New York Times

Même diplômée d'un master, je n'ai pas réussi à trouver un travail dans mon domaine d'études. Je ne vois aucun espoir pour notre avenir, et comme beaucoup d'autres, j'envisage de partir à l'étranger. Mon cœur est 100 % français, mais j'ai le sentiment de devoir prouver ma "francité," et avec tout ce qui se passe en ce moment, je suis fatiguée de devoir justifier mon identité.

Siam Ferhat-Basset, 29 ans, Drancy. Ancienne hôtesse d'accueil.

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Je suis une femme qui porte ce maillot couvrant (burkini étant un terme trop connoté). Alors qu'avant je me contentais d'observer les autres profitant des plaisirs de la baignade, au mieux je rentrais avec mes vêtements de ville (ce qui n'est absolument pas pratique). Ce vêtement a cassé mes chaînes.

Ennaji Loubna, 30 ans, Perpignan. Étudiante en Master de sociologie.

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Merci infiniment de nous considérer comme des êtres humains et de prendre en compte nos opinions. En Belgique, tout comme en France d'ailleurs, nous n'avons jamais la parole alors que nous musulmanes (voilées ou non) sommes les premières intéressées par ces polémiques récurrentes au sujet de l'islam et des femmes. Nous sommes considérées comme des bigotes écervelées et soumises à leur mari ou père. Je suis moi-même musulmane, enseignante, tolérante, féministe ET voilée.

Khadija Manouach, 29 ans, Bruxelles. Institutrice.

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En tant que jeune femme musulmane, je ne me sens plus en sécurité. … Je m'apprête à partir au Royaume-Uni où je peux travailler et vivre normalement. Cela m'attriste, car j'aime vraiment mon pays.

Sarah Nahal, 24, Grenoble. Étudiante en économie et gestion.

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Mon père a grandi et vécu en France depuis l'âge de 8 ans, et travaille depuis ses 14 ans, mais malgré tout, ce n'est pas assez pour que la France nous considère comme des concitoyens lambdas, puisque mon voile les dérange. … Que faire ? Prendre son courage à deux mains et se battre avec les armes que l'on dispose, le savoir, les diplômes et la volonté !

Nadia Benabdelkader, 25 ans, Roubaix. Étudiante.

Source : The New York Times, Lillie Dremeaux, Septembre 2016

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Et notre Premier ministre joue de nouveau au Nain Tellectuel en se croyant obligé de prendre la plume…

En France, les femmes sont libres

Source : Huffington Post, Manuel Valls,  

Le Premier Ministre français Manuel Valls

Le premier ministre français Manuel Valls

Je tenais à répondre à l’article “Regards changés et langues déliées”, paru dans les colonnes du New York Times le 2 septembre, et qui donne une image insupportable, car fausse, de la France, pays des Lumières et pays des libertés.

La France, comme tous les pays, connaît le racisme. Et je n’ignore rien de la xénophobie, des actes antimusulmans qui peuvent exister dans mon pays. Il ne fait pas exception. Ces maux, tout comme l’antisémitisme – et aux Etats-Unis, chacun connaît mon combat contre ce fléau -, les actes anti-chrétiens, frappent l’Europe aussi bien que l’Amérique. La France les combat sans relâche.

“Par son histoire, sa géographie, par son immigration, la France entretient des liens très forts avec l’Islam.”

Ce que je conteste avec la plus grande vigueur, c’est que la journaliste donne la parole à des femmes de confession musulmane en prétendant que leur voix serait étouffée, et ce, pour dresser le portrait d’une France qui les oppresserait. Par ailleurs, elle n’explique pas ce que sont les principes républicains : liberté, égalité, fraternité, et la laïcité à la française.

Les témoignages se succèdent, décrivant une France où “la lune jaune” cousue sur les vêtements des musulmans serait la prochaine étape, comme il y eut une étoile jaune pour désigner les juifs sous l’occupation nazie. Une France où les musulmans seraient “moins bien considérés que des chiens”. Une France avec un régime d’apartheid forçant les musulmans à quitter leur pays pour faire des études, trouver un emploi, faire carrière.

Par son histoire, sa géographie, ouverte sur le bassin méditerranéen et le continent africain, par son immigration, la France entretient des liens très forts avec l’Islam. Elle s’enorgueillit que l’Islam soit la deuxième religion du pays. Des millions de citoyens de confession ou de culture musulmane vivent en respectant parfaitement leurs devoirs, et en jouissant pleinement de leurs droits.

Les femmes musulmanes à qui cet article donne la parole expriment un point de vue. Elles sont libres de le faire. Mais l’exigence aurait dû porter la journaliste du New York Times à interroger l’immense majorité des femmes musulmanes qui ne se reconnaissent pas dans une vision ultra-rigoriste de l’Islam.

La réalité, c’est qu’il ne s’agit pas d’une enquête de terrain, qui permet les différents éclairages ou la nuance dans l’analyse. Ces témoignages ont été pour la plupart obtenus à la suite d’un événement scandaleux organisé en France : un “camp d’été décolonial”. Un camp qui, et cette information a son importance, était interdit – je cite – aux “personnes à la peau blanche”! Son but était de rassembler tous les partisans des communautarismes, tous les opposants à la mixité entre les personnes “blanches” et “non-blanches”, tous ceux qui veulent, je cite encore, dénoncer le “philosémitisme d’Etat” dont la France serait victime.

“Le burkini n’est pas une tenue de bain anodine. C’est une provocation, l’islamisme radical qui surgit et veut s’imposer dans l’espace public !”

Cette initiative, loin d’être isolée, montre au grand jour les contestations prosélytes qui sont à l’œuvre en France. Elles veulent revenir sur deux principes fondamentaux qui font notre pays.

Le premier principe, c’est l’égalité entre les femmes et les hommes. Il faut avoir les yeux ouverts sur l’influence croissante du salafisme, qui laisse entendre que les femmes sont inférieures et impures et qu’elles doivent être mises à l’écart. Voilà la question, absolument pas anecdotique, qui était au cœur du débat sur le burkini, contraction du bikini et de la burqa. Ce n’est pas une tenue de bain anodine. C’est une provocation, l’islamisme radical qui surgit et veut s’imposer dans l’espace public !

En lecteur assidu de la presse internationale, j’ai vu comment une partie d’entre elle a hâtivement conclu à la stigmatisation, à l’atteinte à la liberté des musulmans à pratiquer leur culte… Mais enfin ! C’est précisément pour la liberté que nous nous battons.

“Le corps des femmes n’est ni pur ni impur. Il est le corps des femmes. Il n’a pas à être caché pour protéger de je ne sais quelle tentation. “

Celle des femmes, qui ne doivent pas vivre sous le joug d’un ordre machiste. Le corps des femmes n’est ni pur ni impur. Il est le corps des femmes. Il n’a pas à être caché pour protéger de je ne sais quelle tentation. Car voici l’incroyable retournement : dans les témoignages cités, le burkini est présenté comme un instrument de libération de la femme ! Une lectrice écrit ainsi : “Quand le burkini est apparu, j’étais heureuse pour ma sœur, qui était en vacances et pouvait enfin jouer sur la plage avec ses enfants plutôt que de devoir rester à l’ombre.” Pour une autre, porter le voile signifie “la réappropriation du corps et de [sa] féminité …”. C’est une domination masculine qui est ainsi complètement intégrée !

En France, nous considérons bien au contraire qu’une femme qui a envie de se baigner n’a pas à rester dans l’ombre. Que les femmes ne peuvent être l’objet de la moindre domination. Et il y a bien domination masculine, dès lors que l’on considère que le corps de la femme doit être soustrait de l’espace public.

Nous nous battons, aussi, pour la liberté de la grande majorité des musulmans, qui ne se reconnaissent pas dans cette minorité prosélyte qui instrumentalise leur religion. C’est pour cela que l’Etat ne doit pas céder d’un pouce face à l’islamisme radical.

“La laïcité, ce n’est pas la négation de la religion.”

Le second principe – il est lié – c’est celui de la laïcité. Je sais combien cette singularité française a du mal à être comprise à l’étranger. Je veux donc réexpliquer ce qu’elle est.

La laïcité, c’est la liberté pour chacun de croire ou de ne pas croire ; la liberté de pratiquer son culte, à condition de ne pas imposer ses pratiques ou ses croyances à l’autre. La laïcité, ce n’est pas la négation de la religion. Elle fixe simplement une séparation très nette entre ce qui relève du temporel et du spirituel. Que dit-elle, au juste ? Que l’Etat et ses fonctionnaires sont strictement neutres, qu’il ne reconnaît, ne finance, ni ne privilégie aucun culte.

Au cours de son histoire longue, la France a connu la haine religieuse, elle s’est déchirée dans des guerres atroces … La République et la laïcité ont mis un terme à des siècles de conflit. La laïcité est cet équilibre exigeant fait de respect mutuel. Un équilibre qui est le garant de la cohésion de notre société.

Les ennemis de la laïcité voudraient en faire un instrument de discrimination et d’humiliation… Rien n’est plus faux. L’interdiction de porter des signes religieux ostensibles dans les écoles publiques concerne autant la kippa que le voile ou la croix catholique. Les femmes musulmanes peuvent porter le voile dans la vie de tous les jours. Mais quand elles sont fonctionnaires, elles doivent le retirer dans l’exercice de leur mission.

La conviction sur laquelle s’est bâtie la Nation française, c’est que pour avoir des citoyens libres et égaux, la religion devait relever de la sphère privée. La France, à la différence d’autres pays, ne se pense pas comme une juxtaposition de communautés, qui auraient chacune leur parcours autonome. Pour dire les choses autrement : nous ne concevons pas l’identité comme quelque chose d’ethnique. L’identité française, c’est une adhésion, vouloir partager un même destin. C’est aussi pour cela que l’islamisme radical nous a frappés, à Paris, à Nice, ou à Saint-Etienne du Rouvray.

La France défendra toujours la raison et la liberté de conscience face au dogme. Car elle sait que, sans cela, ce sont le fondamentalisme et l’intolérance qui l’emportent. La France a à cœur de faire vivre cet Islam moderne, fidèle à son message d’ouverture et de tolérance. Nous protégeons nos concitoyens musulmans contre ceux qui veulent en faire des boucs émissaires. Là où l’extrême droite voudrait que les musulmans soient des citoyens de seconde zone, nous voulons, au contraire, faire la démonstration éclatante que l’Islam est pleinement compatible avec la démocratie, la laïcité, l’égalité femmes-hommes. C’est le coup le plus cinglant que nous pourrons porter à l’islamisme radical, qui n’aspire qu’à une seule chose : nous dresser tous les uns contre les autres.

Source : Huffington Post, Manuel Valls,  

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Et la réponse du NYT toujours en français… (ils doivent nous prendre pour des dingues…)

Valls critique un article du New York Times donnant la parole aux musulmanes

Source : The New York Times, Alissa J.Rubin, 06-09-2016

Manuel Valls, le premier ministre français, à Paris la semaine dernière. Dans une tribune sur le site français du Huffington Post, il

Manuel Valls, le premier ministre français, à Paris la semaine dernière. Dans une tribune sur le site français du Huffington Post, il "conteste avec la plus grande vigueur" le fait qu'un article du New York Times "donne la parole à des femmes de confession musulmane en prétendant que leur voix serait étouffée." Credit Bertrand Guay/Agence France-Presse — Getty Images

Le premier ministre français, Manuel Valls, a vivement critiqué ce lundi un article du New York Times dans lequel des femmes musulmanes françaises décrivent être ostracisées par des non-musulmans, victimes de discrimination à l'emploi et se sentir persécutées.

L'article, puisant dans de nombreux témoignages de femmes musulmanes européennes, pour la plupart françaises, a été écrit suite à la polémique sur le maillot de bain qui couvre entièrement le corps, le "burkini". Plus de 30 villes et communes françaises ont interdit le port du burkini sur leurs plages publiques, bien que certaines de ces interdictions aient été suspendues par la suite par les tribunaux français.

Dans une tribune publiée sur le site français du Huffington Post, M. Valls décrit l'article du New York Times comme donnant une "image insupportable, car fausse, de la France."

Il accuse également le New York Times de tirer ses conclusions sur la base d'entretiens qui ne reflètent pas une enquête de terrain, mais plutôt l'objet de débats dans les médias à ce moment-là: un "camp d'été" qui avait été "interdit aux personnes à la peau blanche" et où les participants s'opposaient à la mixité des personnes blanches et non-blanches.

Le premier ministre faisait allusion à un rassemblement près de Reims que les organisateurs décrivaient comme un "Camp d'été Dé-Colonial", où des personnes appartenant à des minorités pouvaient se réunir pour évoquer la discrimination. Selon les organisateurs, environ 170 à 180 personnes y ont participé entre le 25 et le 28 août.

Le New York Times a répondu que les propos de M. Valls sur la réalisation de ce reportage étaient erronés.

"Notre article est le produit d'une enquête rigoureuse. Il est basé sur les réponses de plus de 1,200 lectrices à un appel à témoignages en ligne, en anglais, en français et en arabe,demandant l'opinion des femmes musulmanes en Europe après l'interdiction du burkini", a expliqué Danielle Rhoades Ha, porte-parole du New York Times. "Nous maintenons l'article"

Dans la tribune du Huffington Post, M. Valls écrit qu'il "conteste avec la plus grande vigueur" le fait que l'article du New York Times "donne la parole à des femmes de confession musulmane en prétendant que leur voix serait étouffée, et ce, pour dresser le portrait d'une France qui les oppresserait."

M. Valls a également déclaré qu'il n'acceptait pas l'idée, évoquée par des musulmanes françaises parmi les témoignages cités, que le burkini permettait aux femmes de participer pleinement aux activités estivales. Certaines expliquaient que leur interprétation du Coran exigeait qu'elles adoptent une tenue modeste, et que le burkini leur permettait d'aller à la plage.

M. Valls a rétorqué que le burkini "n'est pas une tenue de bain anodine. C'est une provocation."

Source : The New York Times, Alissa J.Rubin, 06-09-2016

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Même le propre journal de M. Valls, le Monde, l’a descendu – c’est dire…

bancale

Lire ici.

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