lundi 7 novembre 2016

Donald Trump n’est pas anti-guerre, il veut juste que l’armée américaine se concentre sur le vol du pétrole, par Robert Mackey

Donald Trump n'est pas anti-guerre, il veut juste que l'armée américaine se concentre sur le vol du pétrole, par Robert Mackey

Source : The Intercept, le 14/09/2016

Photo: Joyce Naltchayan/AFP/Getty Images

Photo: Joyce Naltchayan/AFP/Getty Images

Robert Mackey

Le 14 septembre 2016

La tentative de Donald Trump de se présenter comme un candidat anti-guerre repose sur son parfait examen rétrospectif des désastreuses conséquences du changement de régime en Irak et en Libye – campagnes militaires qu’il avait publiquement soutenues lorsqu’elles étaient populaires, et contre lesquelles il s’était retourné une fois celles-ci devenues impopulaires.

Pour mieux comprendre ce que Trump est réellement, comme il l’a souligné durant la campagne des primaires républicaines, “bien plus militariste” encore que George W. Bush, cela aide de noter la fréquence avec laquelle il a présenté son étrange plan pour utiliser l’armée américaine comme gros bras dans un système mondial de racket, avec pour objectif d’extorquer le pétrole des pays que nous détruisons.

Trump a commencé cette approche à un moment crucial, début 2011, lorsqu’il flirtait avec une course à la présidence et que l’administration Obama tentait de décider comment utiliser la puissance américaine en Libye et en Irak.

En février, lorsque le président Obama envisageait l’intervention en Libye pour laquelle sa secrétaire d’État, Hillary Clinton, militait avec force, Trump demanda une action immédiate pour renverser le Colonel Khadafi, dans une déclaration postée sur sa chaîne YouTube.

“Je ne peux pas croire ce que notre pays est en train de faire,” disait Trump le 28 février 2011, deux semaines avant que l’administration Obama n’ait l’autorisation du Conseil de sécurité de “protéger les civils” en Libye. “Khadafi en Libye tue des milliers de gens, personne ne sait à quel point c’est grave, et on reste là, on a des soldats partout au Moyen-Orient, et on ne les envoie pas pour arrêter cet horrible carnage et voilà ce que c’est : c’est un carnage.”

“Après cela, nous allons voir les opposants, qui finissent par fuir le pays,” ajoute Trump, “et nous devrions alors leur dire, Au fait, pour tout votre pétrole, nous voulons un remboursement.”

Un mois plus tard, lorsque Bill O’Reilly le questionnait sur la façon dont il gèrerait la politique étrangère en tant que président, Trump révéla qu’il avait un tout nouveau plan pour l’Irak : les troupes américaines devraient être retirées, mais seulement des zones sans gisements pétroliers.

TRUMP : Je ne l’ai encore jamais dit. C’est une première dans votre émission. Bonne chance avec ça, débrouillez-vous avec. Dans le bon vieux temps, lorsque vous aviez des guerres, vous gagniez, d’accord ? Vous gagniez. Le butin appartient au vainqueur. Donc lorsque nous allons en Irak, que nous avons dépensé jusqu’ici 1 400 milliard de dollars et que des milliers de vies ont été perdues, d’accord ? Et sans mentionner tous ces pauvres gars et filles avec un seul bras, et sans bras et tout le reste, d’accord ?

O’REILLY : Absolument. D’accord.

TRUMP : Et nous allons partir et aussi sûr que vous êtes assis ici, l’Iran va arriver, prendre possession non seulement de l’Irak mais, plus important encore peut-être pour eux, du second plus grand gisement pétrolier du monde, d’accord ? Et je préfère l’ancien système : vous gagnez une guerre, vous restez, et vous gardez le pétrole. Et vous savez, ces gens ne seront alors pas morts en vain. Oubliez l’argent que nous avons dépensé, ils ne seront pas morts en vain. Maintenant, ils ne vont pas venir tant que nous sommes là mais 15 minutes après que nous soyons partis, l’Iran débarquera en Irak…

Vous restez et protégez le pétrole, vous prenez le pétrole et vous prenez tout ce qui est nécessaire pour eux, vous prenez tout ce qui est nécessaire pour nous et nous nous remboursons les 1 500 milliard de dollars ou plus. Nous prenons soin de la Grande-Bretagne, nous prenons soin des autres pays qui nous ont aidés, et nous ne sommes pas si stupides. Vous savez, nous sommes le seul pays et si vous regardez les guerres au fil du temps et j’étudie la guerre, ok ? Toute ma vie est une guerre. Vous regardez les guerres dans le passé. Un pays y va, conquiert et il reste. Nous y allons, nous conquérons, et puis nous partons. Et nous le transférons à des gens que nous ne connaissons même pas… Donc, en résumé, nous y allons, nous prenons le deuxième plus grand champs pétrolier, et nous restons.

Sentant qu’il se pourrait que Trump n’ait pas examiné les implications de sa proposition en termes clairs de coloniser l’Irak en pillant ses ressources naturelles, un O’Reilly incrédule répondait en réprimant un rire : “Donc vous allez prendre le contrôle des champs pétroliers irakiens ?”

“Ne souriez-pas !” répondit Trump, offensé.

“Je dis juste,” dit O’Reilly, “que si vous allez en Irak et prenez possession des champs pétroliers, il y aura d’importants retours de flamme.”

Cinq mois plus tard, après que la campagne aérienne menée par les États-Unis a chassé Kadhafi du pouvoir – et que Trump avait décidé de ne pas affronter Obama aux présidentielles – la star de l’émission “The Apprentice” postait un autre clip sur YouTube se plaignant que l’administration aurait dû attendre plus longtemps avant d’aider les rebelles libyens, pour les forcer à accepter de livrer la moitié des réserves pétrolières du pays.

“Ce que nous aurions dû faire aurait été de demander aux rebelles, lorsqu’ils sont venus vers nous — et ils sont venus vers nous, ils ont été mis en déroute par Kadhafi, ils étaient décimés — nous aurions dû dire : “Nous vous aiderons, mais nous voulons 50% de votre pétrole,” a affirmé Trump. “Ils auraient dit, Et pourquoi pas 75% ?”

Parlant de Matt Lauer [journaliste américain, NdT] la semaine dernière au sujet de ses compétences de commandant en chef, Trump a argumenté que la montée en puissance de l’État islamique aurait pu être évitée si seulement son plan pour conserver les champs pétroliers en Irak sous le contrôle de l’armée américaine avait été mis en place. Il ne s’était pas demandé comment ces militants anti-occident, ou le gouvernement élu irakien, auraient certainement réagi à une occupation militaire de durée illimitée par une force étrangère dans le but de confisquer illégalement les ressources naturelles de leur pays.

Photo du haut : Banderoles “Pas de sang pour du pétrole” tenues par des manifestants contre l’invasion de l’Irak, lors d’une manifestation à Washington, le 4 décembre 2002.

Source : The Intercept, le 14/09/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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